Ponyo sur la falaise

affiche_9.jpgAprès avoir navigué dans le ciel et les forêts, dans les rêves et les mondes nouveaux, il semblait évident que, Hayao Miyazaki allait parcourir les flots et l’agitation comique de la mer pour en faire l’un de ses univers merveilleux qui, les uns après les autres, s’emboîtent et dialoguent entre eux, en ayant toujours en commun ce sens démesuré de la magie enfantine, ravissement des yeux remplis de souvenirs jaillissants.

Avec Ponyo sur la falaise, hybride insolite entre La petite sirène, c’est-à -dire le gentil mélo Disney, et le langage, wagnérien de, la Tétralogie, (que le compositeur du film, Joe Hisaishi déforme dans une reprise comique de la Chevauchée des Walkyries), soit la barbarie dantesque et aux multiples strates de lectures,, Hayao Miyazaki semble refermer la parenthèse de sa carrière en aboutissant non pas à  son oeuvre la plus complexe et synthétique (couronne que l’on attribuera plutôt à  son précédent film, Le château ambulant), mais au contraire la plus épurée et évidente. La clarté que le cinéaste impose au récit et à  l’esthétique tient à  un retour direct à  l’enfance. La densité des couleurs et les milliards de brillances laissent place à  des tonalités pastel et un graphisme d’une simplicité extrême. Ce retour aux, sources du dessin renforce même le caractère confortable du film, quitte parfois à  accuser une certaine naîveté.

Ponyo sur la falaise s’impose alors comme l’oeuvre la plus enfantine du maître de l’animation nippone, mais pourtant celle-ci n’est pas dénuée de profondeur ; hormis les nombreux symboles qui se rassemblent et dont il faudrait heures et jours pour les analyser, elle développe à  travers le langage de, Miyazaki une progression dans le message écologique, et avant tout sur les notions humaines les plus basiques., Ponyo sur la falaise semble nous montrer un cinéaste rassuré, optimiste. Sa peur de la mort et de la vieillesse, engloutie par les incapacités physiques, se révèle étrangement positive ; il suffit de voir cette séquence émouvante où les vieilles dames retraitées retrouvent l’usage de leurs jambes et se mettent à  courir comme une horde de petites filles vivantes jusqu’au bout des orteils.

L’engagement écologique qui a si longtemps fait sa renommée revient évidemment ici, séparé de toute forme de complexité pour que les plus petits puissent prendre conscience de l’importance des gestes humains et bénéfiques à  notre planète ; la catastrophe naturelle de ce déferlement de vagues animées (qui, bien sûr, n’est pas sans rappeler le Tsunami, drame qui, dans l’esprit japonais, résonne comme l’un des signes fondamentaux de la fin du monde), point culminant de ce, Ponyo tendre et, pourtant, un brin amer, n’est pas la conséquence écologique de la barbarie de l’homme, mais un climax du récit qui fait de la métaphore un filigrane tout en puissance et en finesse. Cette fois,, Miyazaki nous épargne aussi toute forme de manichéisme ; l’évolution de son langage tient, en l’absence de figure démoniaque, puisque la fin du film révèle en fait une multitude de personnages dont les raisons sont clairement définies. Il n’y a pas à  proprement parler de méchant, mais plutôt un obstacle, une obstruction naturelle.

Nombreuses sont les forces nouvelles qui éclairent ce qui pourrait s’apparenter au, nouveau langage de Miyazaki. Sa mise en scène se retrouve elle-même confrontée aux nombreuses excentricités de l’imaginaire, du cinéaste (plus que d’habitude car le fond se doit de rester cette fois extrêmement accessible), et pour autant c’est un miracle ; chaque plan, chaque dessin (léger comme une aquarelle) révèle dans son schématisme et sa lisibilité première une ou plusieurs idées de taille qui, remontées entre elle dans un rythme trépidant, donnent à  voir une véritable virtuosité de réalisation. Allant même jusqu’à  effleurer le kitsch dans un final sismique mais, malgré tout, d’une incroyable pertinence,, Miyazaki mêle à  la fois l’habitude de ses univers fantasmatiques et, n’oublions pas de le rappeler, toujours aussi merveilleux d’invention et d’infinité, à  la tentation de l’audace extrême à  travers le personnage du père de Ponyo, sorte d’humain aux commandes, costard rayé bleu et blanc et coupe de cheveux roux en pétards. Quant à  la mère, Barbie divine et enluminée par mille colliers d’un savoureux mauvais goût, déesse des mers à  la tignasse tout en ornements rouquins, elle régale les yeux et renvoie directement aux personnages divins des mythologies de tous les âges et de toutes les cultures réunies.

Mais n’oublions pas dans tout ça Ponyo, merveilleux personnage à  l’attitude purement, miyazakienne ; petits bruits délicieux de l’enfance, paire d’yeux espiègles et caresses dont le bruissement rappelle les âges enjoués et ensoleillés. A la fois poisson rigolo aux réflexes quasi-humains, puis métamorphose en mi-homme mi-poisson qui rappelle un, Donald nippon au regard désorienté, et enfin petite fille adorable que l’on adopterait aussitôt, voilà  ici une belle preuve du travail de caractérisation des personnages auquel nous a habitué Miyazaki. Sa force ici est d’accentuer l’opposition avec l’adulte ; la mère, pourtant volontairement irresponsable et naîve, fait figure de femme esseulée, réduite au rôle de mère à  tout faire, toujours dans l’attente de revoir son mari parti naviguer aux commandes d’un navire (ainsi la mer représente, pour l’enfant, à  la fois l’absence du père et l’intrusion d’un nouvel élément qui changera sa vie). Comme chez les, Gosses de Tokyo d’Ozu, les grands ne sont pas plus que des enfants ridés et qui n’attendent, au fond, que l’occasion pour rêver et repartir à  l’aventure des moments innocents. En témoigne cet échange absurde de lumières entre la femme et son mari, dont la diction improbable des flashs parvient à  créer une dispute conjugale à  distance! Quelques séquences après, le sérieux (pour ne pas dire le tragique), est évacué et la mère devient comme entraînée par le charme des aventures qui se déroulent devant elle. Comme quoi même dans le réalisme de la condition humaine,, Miyazaki est inventif et d’une drôlerie fine. Et marier toute la force de l’imaginaire à  l’objectivité totale du cinéma dit réaliste, voilà  la marque des très grands.

Jean-Baptiste Doulcet

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Ponyo sur la falaise
Film japonais de Hayao Miazaki
Genre : Animation
Durée : 1h41
Sortie : 8 Avril 2009

La bande-annonce :

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