Enrique Serna s’est fait remarquer lors du dernier Salon du Livre de Paris, dont le Mexique, son pays d’origine, était l’invité principal. En bien comme en mal »Quand je serai roi » est en effet un roman d’une énergie incroyable, mais aussi un impitoyable réquisitoire de la société mexicaine actuelle. Soit, pour son pays, le témoin réaliste et talentueux d’une nation qui sombre vers le chaos. Dur, mais juste.
Loin pourtant de Serna l’envie d’en découdre avec ce qui fait basculer sa terre vers l’Enfer. Ce dernier ajoute suffisamment d’humour, de cynisme, de méchanceté et de mauvaise foi pour qu’on s’amuse avant de s’effrayer pour les personnages du roman qui s’entrecroisent souvent. Sa chorale baroque et folle recense toutes les strates sociales du Mexique contemporain, du pauvre ado de la rue sniffeur de colle et voleur patenté, jusqu’aux politiques plein aux as qui vivent avec vacuité une existence dorée loin des turpitudes des bidonvilles proches. Un peu manichéen, le señor Serna ? Assez. Son monde bariolé et énergique n’échappe pas aux codes inhérents au genre romanesque adopté (les histoires polyphoniques qui ne font plus qu’une) et s’insèrent souvent dans son discours des clichés un peu malheureux.
Mais le talent l’emporte finalement. Osant des écritures très différentes suivant les portraits brossés le long des chapitres, Serna se veut la voix du peuple mexicain de toutes les originales sociales, et, sous sa plume vivace et harassante, s’élève finalement une charge implacable contre tous ceux qui pourrissent une situation mexicaine déjà bien malade. On n’en dira pas plus sur ce foisonnant roman, laissons le lecteur découvrir cet impeccable et terrible constat élaboré d’une plume parmi les plus passionnantes de l’Amérique centrale.
Jean-François Lahorgue
Quand je serai roi,
de Enrique Serna
Editions Métailié, 264 p., 18 €¬
Parution : mars 2009.