En Mai 2009, nous aurons l’occasion à maintes reprises de prendre des nouvelles du cinéma argentin, considéré à juste titre comme l’un des plus significatifs et dynamiques de l’Amérique centrale et du Sud, notamment depuis sa renaissance au milieu des années 90 qui permet à sa production de figurer en bonne place dans les sélections des festivals internationaux.
La Sangre Brota (sang impur) est le deuxième film de Pablo Fendrik, après qu’il se soit fait remarquer avec L’Assaillant, où il suivait les faits et gestes d’un homme sur le point de mettre à exécution un plan fomenté depuis longtemps. Un pistage revendiqué comme subjectif, à travers Buenos Aires auquel le spectateur était étroitement associé et pris comme témoin. Dans La Sangre Brota, c’est Arturo que le jeune cinéaste formaliste suit, : chauffeur de taxi apparemment paisible qui véhicule des clients habituels plutôt louches, il est marié à Irène, joueuse de bridge, qui tente de maintenir le ménage à flot. Il est aussi le père de deux garçons, : l’aîné, Ramiro, est parti pour les Etats-Unis où il n’est pas devenu un acteur célèbre comme le croit son cadet Leandro, grand adolescent malingre qui ne pense qu’à rejoindre Ramiro, qui, de son côté, sollicite l’aide urgente de son père.
L’argent est ici le noeud des conflits latents et le nerf de la guerre. Les trois membres de la famille mettent quasiment tout le film à se croiser et à s’affronter, chacun vaquant à ses propres occupations qui servent aussi de moyens à Pablo Fendrik pour dresser le portrait d’une ville. Une ville-monstre, bruyante et violente, électrique à l’image des tonalités bleues et froides dont le film est majoritairement teinté. Pendant qu’Arturo, homme réservé et peu loquace, assure les courses de taxi – dont une avec une grand-mère et son petit-fils qui se conclut en bain de sang – Leandro se prélasse à travers les rues en compagnie d’une jeune ado, surveillée et couvée par une mère commerçante et la joueuse de bridge fait bonne figure auprès de ses amies.
La Sangre Brota se singularise par l’originalité de son montage, très saccadé, et celle de son filmage, qui colle à la peau des personnages, jouant beaucoup sur l’opposition entre silence intérieur – celui d’Arturo, surtout – et bruits périphériques. Le film oscille entre suspense démultiplié par la tension croissante qui l’habite et regard documentaire et sociologique sur la mégapole argentine. L’image crue, au grain appuyé, aux couleurs saturées, contribue à entretenir le malaise que la présence de plus en plus appuyée du sang, ainsi que les excès de pure violence, même si traitée de manière indirecte, n’aident pas à dissiper. Si Arturo constitue le personnage central, complexe et contradictoire, les autres paraissent plus caricaturaux. Pablo Fendrik a indubitablement du talent et possède un regard, , mais son travail demeure encore trop pollué par des tics maniéristes et le goût de vouloir choquer ou faire sens.
Pour être totalement réussi, La Sangre Brota, film tout en bruit et fureur, sensitif et éprouvant, mériterait d’être dégraissé et de savoir mieux pratiquer l’ellipse, sinon l’épure. Cinéaste urbain, Pablo Fendrik exhibe un peu trop le plaisir que lui procure la fréquentation des milieux underground et sa propension à s’approprier la contre-culture de son pays.
Patrick Braganti
La Sangre Brota
Film argentin de Pablo Fendrik
Genre : Drame
Durée : 1h40
Sortie : 29 Avril 2009
Avec Arturo Goetz, Nahuel Perez Biscayart, Guillermo Arengo
La bande-annonce :