André Blanchard n’est peut-être pas un écrivain qui compte, tout juste un chicaneur habile dans son style, un élu de » l’heureux petit nombre » posé bien à l’écart du magma environnant et circonspect devant la grande masse gélatineuse. Vraisemblablement un petit-maître mais dans la plus positive acceptation du terme, un membre tenace de cette caste discrète sans laquelle l’horizon littéraire ne serait qu’une morne plaine tout juste dérangée par quelques pics himalayens »Les limites de l’altitude sont ce qu’elles sont et il faut donc parfois savoir se contenter de plus modestes hauteurs, savoir vadrouiller autour de ces monticules, tumulus et autres mamelons jurassiques qui forment le plus secret et savoureux de la littérature ; ces collines où parfois le vent de l’inspiration souffle plus qu’ailleurs. En somme, il faut peut-être voir André Blanchard comme une belle colline inspirée.
Pour le reste, résumons l’ensemble : des paysans, des vignobles et des souvenirs »
Ne pas se fier aux soixante-dix premières pages, » profils paysans » qui n’inspirent pas la confiance, agriculteurs plus loquaces que chez Raymond Depardon, sapidité de bénitier, saveur vieille France, le livre ne décolle pas, il décolle plus loin, avec la mémoire (et le style) » Besançon posée là , les souvenirs remontent, la jeunesse avec. Les années passées comme pion, cette apathie soixante-dix tout juste dérangée par un Pompidou grossissant jusqu’à l’explosion. Déjà Blanchard un peu anar- réac, dubitatif devant le nouvelobs et la gauche commune. Néanmoins derrière le ratiocineur, deux trois pointes, une fenêtre et un père qui va mourir »de l’émotion, un peu.
Ensuite Blanchard nous embarque à bord d’une 2Cv grise, drôle de vaisseau, et voilà les pèlerinages. Oh ! paîens les pèlerinages ! Paris ce » Reims de l’art » le père-lachaise, la tombe de Pierre Desproges et puis, plus mélancoliquement que sournoisement, la France profonde, direction Bourgogne et une croix noire avec en dessous la tombe de Louis Calaferte, son maître en écriture : » Ci-gît Calaferte en ce lieu. Qui n’aima que G., l’art et Dieu »
Voilà en gros pour le factuel. Pour le reste on pourra aimer ou non André Blanchard et son livre, un chose est certaine c’est que chez lui il y a comme chez tout bon écrivain plus qu’un style, une langue ; ici le blanchard. Le » blanchard dans le texte » est toujours parfaitement dans son rythme, moins court que cadencé, plus tranchant qu’empesé, une bonne musique, un treuil vers les hauteurs, oh ! pas si haut, à hauteur de colline, c’est la juste hauteur.
Philippe Louche
Pèlerinages
d’André Blanchard
Editions du Dilettante
192 pages – 17 €¬
Parution : Avril 2009