Tout le monde loue le talent de Tim Burton pour L’étrange Noël de Mr. Jack. Mais saviez-vous que contrairement à ce que l’on croit, il n’y a consacré que trois jours ? La réalisation, et même si le statut diffère de celui de réalisateur en prise de vues réelles, en revient à Henry Selick. Auteur de l’étonnant James et la pêche géante (bien moins connu mais tout aussi surprenant), voilà son retour fracassant avec Coraline, cauchemar éveillé à déconseiller aux enfants.
Elaboré autour de marionnettes synthétiques, le récit assez classique prend place dans un monde parallèle qui évoque les terreurs enfantines à travers le rêve et le désir matérialiste qu’a l’enfant. On ne saurait reprocher à Henry Selick de ne pas inventer un nouveau principe. Car il le renouvelle, : Coraline est la porte ouverte à une débauche psychédélique et surprenante (depuis Alice au pays des merveilles, rien n’avait pris l’apparence d’un objet aussi barré), comme si notre héroîne se trouvait propulsée dans un monde à priori féérique mais qui vire au trip peu recommandable type Las Vegas Parano. Avec une inventivité hors norme qui, à elle seule, fait oublier les fréquents problèmes de rythme, le film explore avec fantaisie et dépassement technique le monde de l’enfance. Par les nombreux symboles qu’il convoque (liés à la sexualité, ou bien au deuil), Henry Selick parvient à décrire à merveille la tentation morbide de l’enfance dissimulée sous l’apparence des bonbons et des manèges. Peu à peu, le rêve se mue en un cauchemar terrifiant, la mère se transforme en une féroce araignée qui brode ses fils comme ces femmes qui étouffent leurs propres enfants et leur imaginaire par un trop-plein de désir personnel. Des boutons qu’il faut coudre à la place des yeux, un ami muet, les âmes perdues d’enfants blottis dans une chambre-fantôme, une salle de concert remplie par un public de chiens tous identiques, : ces visions absurdes et glaciales évoquent de par leur atmosphère les peurs primales qui obsèdent l’enfance.
Il s’y dégage quelque chose de malsain presque, comme si la mort rôdait partout autour. De ce fait, Coraline est étrangement froid ; mais c’est tout ce qui fait son charme. Il emprunte au film d’horreur pur quand l’affiche laisse présager des aventures pour enfants. Loin de cette publicité mensongère, Coraline est une vraie étude de la terreur. Le nouveau film d’Henry Selick est donc un moment d’effroi qu’il faut avant tout prendre comme une véritable oeuvre cinématographique, loin du formatage habituellement offert aux chères têtes blondes, mais au contraire, un ovni étrange, déroutant, et surtout très personnel. Et il y a surtout cette sensation qu’à chaque image, qu’à chaque détail, chaque tonalité de couleur, Henry Selick et son équipe technique sont des faiseurs de merveille(s). Il faut voir ce dîner où l’on sert la sauce dans un petit train électrique, où la boisson est à choisir sur un lustre, pour comprendre que l’imagination fait toute la beauté et qu’après tout, le réel n’est que cette platitude ennuyeuse décrite dans la première partie du film ; sans communication, sans fantaisie, sans âme. Du fourmillement inverse naît Coraline, ou l’art de réinventer les rêves éternels.
Jean-Baptiste Doulcet
Coraline
Film américain de Henry Selick
Genre : Animation, fantastique
Durée : 1h40
Sortie : 10 Juin 200ç
Avec Dakota Fanning, Teri Hatcher, Jennifer Saunders…
La bande-annonce :