Film après film, l’argentin Carlos Sorin continue de creuser le même sillon, : s’attacher au destin et aux petites histoires de gens modestes et cela lui réussit plutôt bien. Ce n’est pas pour rien qu’un de ses longs-métrages portait en 2003 le titre emblématique de Historias minimas, parfait résumé de ce qui constitue l’axe majeur du travail mené par la réalisateur de Bombon el perro. Un soin accordé à la narration linéaire et chronologique, qui ne révolutionne en rien les codes cinématographiques, mise en valeur par un traitement minimal et dépouillé, qui fait néanmoins la part belle à l’attention délicate portée aux personnages et à l’exaltation des paysages grandioses de la Patagonie et ses steppes immenses brûlées par un soleil de plomb, endroits éminemment photogéniques.
Plus encore que pour les opus précédents de Carlos Sorin, le dispositif et la trame narrative semblent réduits au strict nécessaire. Dans une hacienda plantée au milieu d’un paysage désertique, le vieil Antonio, 80 ans, atteint le crépuscule de sa vie et attend la visite de son fils, un pianiste de renommée internationale, qu’il n’a pas revu depuis une vingtaine d’années. Alors que s’activent dans la maison deux employées et un accordeur de piano et après la visite du médecin, Antonio prend le large, coiffé d’un panama, sa perfusion à la main. Une dernière envie qui lui est venue en contemplant l’étendue apaisante par la fenêtre enfin ouverte de sa chambre. Une ultime escapade pour humer le parfum de l’air et attendre l’arrivée du fils et son un ersatz de réconciliation, et pouvoir partir en paix, transfiguré par le visage d’une femme penché sur lui, douce réminiscence d’un rêve surgi la nuit précédente.
La Fenêtre est donc une historiette, qui s’épanouit dans un format court, à peine 1h15, sans fioritures et avec une économie de moyens qui n’en rend pas moins possible la montée de l’émotion. Dans sa dernière partie, le film se pare de couleurs ocre et orangées et joue avec les oppositions entre ombre et lumière à l’intérieur de la chambre, alors que les instants d’avant étaient baignés dans une atmosphère solaire. Peut-être regretterons-nous que la compagne du fils, pendue à son portable, soit un peu caricaturale. Mis à part cette incongruité, le réalisateur de El Camino de San Diego déploie la sensibilité et la délicatesse qui lui sont coutumières. En dépit de la gravité de son sujet, La Fenêtre ne sombre pas dans le pathos, choisissant l’ellipse et le biais pour nous faire appréhender la tragédie banale et éternelle qui est en train de se jouer.
Chaperonné par les figures tutélaires de Bergman et de Borges, à qui il fait directement allusion, Carlos Sorin signe avec La Fenêtre une sympathique et attachante variation sur le thème de l’attente et du temps écoulé. Mélancolique et élégant, fin et nullement larmoyant, le dernier film de Carlos Sorin prouve la cohérence et le joli talent de son auteur.
Patrick Braganti
La Fenêtre (Titro original : La Ventana)
Film argentin de Carlos Sorin
Genre : Drame
Durée : 1h15
Sortie : 3 Juin 2009
Avec Antonio Larreta, Maria del Carmen Jimenez, Emilse Rodan…
La bande-annonce :