Qui est vraiment le tueur au centre de ce livre ? Å’dipe ou le Diable ? Dès le début-choc, il confie à sa psychanalyste le détail de l’assassinat de son père, acte banal, » comme on tue un insecte « . Il va ensuite, tout le long de ce roman-monologue, tenter d’expliquer son geste, en fouinant dans son passé, en réfléchissant sur son mode de pensée et d’agir, et en dévoilant une partie du roman qu’il a écrit, tel un document truffé de preuves et d’indices quant à ce parricide sauvage. Et si cet homme (dont nous ne connaîtrons jamais le nom) n’était pas qu’un simple fou furieux ? Et si son but avéré était de tromper, de dissimuler, de jouer constamment avec les autres, qu’ils finissent par être séduits ou par en mourir ?
Sabino sait d’entrée qu’il va falloir emmener son lecteur très loin, devant le clacissisme avéré de son intrigue. Car si son ouvrage est noir, il n’en est pas moins juste policier, presque pas un polar même : le suspense y est quasiment absent – sauf à la fin, pas vraiment d’enquête ni de chasse aux témoins. Il ne s’agit que d’un monologue, parfois entrecoupé par des questions imaginaires posées par la psychiatre, mais tout le récit, de l’acte barbare initial à son explication remontant aux origines du Mal de ce tueur, est empreint d’une noirceur comme rarement lue dans la littérature contemporaine. Qui plus est, la façon dont le narrateur-héros principal nous perd dans des versions contradictoires et des imbroglios qui nous interrogent constamment sur la vérité des dires, provoque en nous un malaise croissant.
Au milieu du récit, l’auteur propose une quarantaine de pages écrites par le tueur, un roman totalement confus qui pourrait être une source de renseignements. Mais c’est à ce moment-là que l’intrigue perd de l’intérêt. Cette mise en abyme littéraire ennuie, et difficile après de remettre sur les rails le monologue glauque du personnage. Si la fin, étonnante, referme le livre tel un feu d’artifice vaguement étincelant, il n’en demeure pas moins l’impression que Mario Sabino, à l’avant-garde de la littérature brésilienne actuelle, n’est pas allé au bout de son sujet, lisiblement trop fort pour lui, et surtout très souvent traité de nos jours. l’originalité du départ cède le pas à la confusion et au désintéressement ensuite. C.’est réellement dommage pour ce roman vraiment noir, qui sur sa première partie parvient à rendre la lecture asphyxiante et malsaine »
Jean-François Lahorgue
Le jour où j’ai tué mon père, de Mario Sabino
Editions Métailié, collection Noir, 160 pages, 17 €¬
Date de parution : juin 2009.