C.’était la 21ème édition du festival de Dour en Wallonie ce week-end du 18 Juillet. On a ainsi retrouvé ce mix unique de musiques alternatives arrivant à faire le grand écart entre la pop dance évidente de Pet Shop Boys et le folk expérimental et pointu d’Animal Collective en passant par les décalés Deerhoof ou les papys des Wampas. Une affiche éclectique pour un public qui l’est tout autant.
Résumé d’une fin de semaine festive baignée dans la bière, le soleil, les averses et les décibels.
Sky Larkin, petit groupe indie-pop comme l’Angleterre a le don d’en sortir dix par mois, commence le vendredi après midi dans la Magic Tent. Du coup, pas de surprise, on a droit à un set mélodieux un peu chaotique, avec deux, trois débuts de chanson avortés par nervosité ou par nonchalance excessive. Rien de bien renversant au final.
Les Bewitched hands on the top of our heads proposent un concert bien plus consistant. Leurs morceaux, construits avec un beau classicisme, évoluent entre l’indie-rock et la pop rêveuse, portés par les voix puissantes des deux chanteurs. Les Marnais jouent avec une vraie conviction et une joie communicative.
On a plus de difficultés avec Marnie Stern. Précédée d’une réputation flatteuse, la new-yorkaise déçoit ; une guitare bavarde empruntant de trop nombreuses gimmicks au métal accompagne une voix sans relief. C.’est très vite lassant ! On préfère aller se défouler devant l’electro-swing de Caravan Palace, pas original pour un sou, mais diablement efficace dans le contexte d’un festival.
Visuellement, les trois filles d’Au revoir Simone n’ont pas grand-chose à offrir à part leur joli minois. Néanmoins, alignées sagement derrière leur clavier, elles arrivent à créer une jolie bulle electro-pop douillette et installent par petites touches impressionnistes une ambiance féerique et charmante.
C.’est bien plus déjanté avec Deerhoof. Leurs chorégraphies simplistes et ridicules, la voix maniérée et enfantine de la très petite japonaise Matsuzaki, viennent rajouter à la perversion de leurs compositions alambiquées. La magie de la scène arrive cependant à rendre festive leur pop indé déstructurée.
Les Does it offend you, yeah ? veulent, au contraire, prendre leur public dans le sens du poil. Aussi, leur son new rave qui peut sembler efficace et moderne aujourd’hui s’avérera immanquablement ridicule et maniéré dans deux, trois ans. Ils se montrent très impliqués à jouer leur musique punchy mais banale au possible.
Beaucoup plus de densité dans le set des « And you will know us by the trail of dead, qui tout en lunettes noires ou vêtement de la même teinte, distillent leur rock vénéneux, intense et noisy à souhait. Les voix rageuses des deux chanteurs s’agrègent au magma en fusion des guitares pour un concert de feu qui met en transe le nombreux public présent.
Rinôçérôze s’étant fait bloqué son matériel en Italie, on s’accorde une petite pause avant la performance la plus attendue du week-end : Animal Collective. Auteurs d’une prestation mémorable ici même, il y a trois ans, créateurs du disque le plus excitant et riche de l’année, on attendait énormément des américains du Maryland. Trop sans doute. Certains parleront peut-être de performance expérimentale, d’expérience sensorielle mais ce sera surtout pour cacher que sur scène toute la poésie des chansons disparaît derrière un maelström informe qui se veut sûrement audacieux mais qui se révèle simplement creux. Les enchaînements paraissent durer des siècles. Les voix neurasthéniques, trafiquées à l’extrême, avec une réverb.’ poussée au maximum ne transmettent qu’un ennui morne et stérile. La déception est si grande qu’on préfère aller s’oublier devant Vive la fête , qui semble avoir été plongé dans le formol tellement leur show n’a pas évolué depuis des années. Las, on s’arrête pour la journée, satisfait tout de même d’avoir pris une grande claque devant les Trail of dead.
Le lendemain, I like trains présente un équilibre parfaitement maîtrisé entre les couches de guitares shoegaze, le plomb de leur section rythmique et la voix caverneuse et romantique de leur leader. Un bel instant sombre et envoûtant.
On regarde quelques instants les dinosaures du rap IAM, toujours aussi fringants, qui secouent la scène principale su site où s’est amassée une foule très réceptive, avant d’aller admirer The Dodos. Le duo s’est adjoint les services d’un musicien au xylophone, joué par moment avec un archet de violoncelle. Il présente de nombreuses compositions nouvelles, aux accents plus pop et moins alambiquées, tout en préservant leur dynamique si particulière qui parvient à faire découvrir des horizons nouveaux au couple guitare-batterie, si tristement banal chez d’autres groupes.
65daysofstatic joue, pour leur part, la carte de la facilité, en mettant nettement en avant les boites à rythmes, qui noient complètement les guitares noisy. Ca s’avère efficace, le public du chapiteau surpeuplé où ils jouent se montrant surexcité très rapidement. Mais ce jeu de massacre n’épargnant ni les mélodies ni les finesses harmoniques, dont ils peuvent faire preuve sur disque, se révèle assez vain.
Le Dour-festival affiche encore son éclectisme en présentant les Pet Shop Boys, qui fournissent un vrai spectacle pop avec décor scénique mouvant, tenues farfelues et danseurs-choristes bondissants. On est en plein dans l’entertainment mais cela reste incroyablement classe. Le duo enchaîne ses tubes, évidents et intelligents à la fois. Toute résistance est inutile. Quelque soit leur obédience musicale, les gens se mêlent et dansent béatement aux sons pop-dance des Britanniques. Un show fluide, léger, élégant et généreux qui passera à la vitesse de l’éclair.
On s’amuse beaucoup aussi au concert des Wampas, pas vraiment grâce à la musique mais plutôt au spectacle clownesque que fournit l’employé de la RATP. Stage diving, escalades de murs d’enceintes, public amené sur scène, tout y passe dans un esprit gentillet et bon enfant.
On reste dans le grand cirque, mais tendance gothique cette fois, avec The Horrors. Les Anglais jouent très, très fort. Et leur leader n’hésite pas à user de poses expressionnistes. Néanmoins, leur concert se tient, les cinq jeunes musiciens offrent une prestation dense, livrant une sorte de cold-wave moderne et bruitiste avec quelques touches d’electro.
Du bruit, du bruit, toujours du bruit avec Boss Hog, le sulfureux couple Martinez- Spencer vient achever nos tympans avec leur rock basique et sauvage.
On décide ainsi de conclure ici notre festival de Dour 2009. Celui-ci tout en grandissant chaque année parvient à maintenir son ambiance unique de tolérance et de fête, qui abolit pour quelques jours toutes les barrières sociales et musicales. On a retrouvé ce mélange improbable de rastas, métalleux, fan d’indie-pop, d’electro ou de hip-hop, attiré par une affiche hétéroclite, qui derrière des têtes d’affiches clinquantes, sait dresser une programmation riche et exigeante. Comme bon nombre de festivaliers aiment le répéter à l’envie : » Pourvu que ça Dour »
Textes : Guillaume Duranel
Photos : Delphine Baudoin