Inglourious Basterds

affiche_8.jpgCommençons par le plus inavouable, : il y a deux scènes totalement ratées dans Inglourious Basterds, le dernier film de Quentin Tarantino. Celle entre Mélanie Laurent et l’exécrable Jacky Ido dans l’escalier du hall du cinéma, et celle qui ouvre le chapitre »Opération Kino ». Le reste, et c’est un plaisir de le dire, est un chef d’oeuvre.

Les scènes démentes s’accumulent avec ce même amour du cinéma qui caractérise le cinéaste américain. Et ce dès l’introduction aux ambiances de western, devenant peu à  peu un face à  face tendu entre un colonel nazi et un fermier qui cache une famille juive, nouvelle variation du jeu du chat et de la souris. Dès le début, Tarantino nous rappelle à  quel point sa conscience de la mise en scène peut faire des miracles, : la caméra descend lentement le long d’une jambe et traverse le plancher où affleurent les regards apeurés des juifs blottis dans leur cachette qui ne perdent pas un mot de la discussion. Idée géniale dans la confusion des langues, le chapitre se clôt sur un massacre terrifiant ; la caméra, cette fois, parcourt les poutres au plafond et suit les nazis dans un travelling en plongée. Leçon de mise en scène comme aucune autre, avec la musique progressive et dissonante qui vient renforcer toute la folie des personnages.

Jusqu’à  ce point culminant du premier chapitre, le dialogue aura été anecdotique mais, subtilement pourtant, sans que l’on s’en rende compte, progressif et centré sur une seule chose, la peur de la mort. La rythme lent de la séquence prouve que le réalisateur de Kill Bill sait conquérir les espaces et faire mûrir les personnages avant de plonger dans la barbarie gratuite qu’on lui connaît, pourtant jamais choquante. Les faces se dévoilent, ambiguës, parfois drôlement grotesques, parfois terriblement dramatiques (le visage resserré de Christoph Waltz qui comprend que des juifs se cachent dans la maison contient une colère qui rend l’acteur d’une démesure admirable). Ces vingt premières minutes sont l’annonce d’un cinéma qui n’a rien perdu de son piquant et qui, s’il dévoile un aspect puéril de son auteur, comme c’est toujours le cas (sa marque de fabrique : absence de psychologie qui tourne au second degré), saisit cette fois une multiplicité de sentiments forts.

Abordé comme ça, on peut considérer Inglourious Basterds comme le film le plus mûr du , cinéaste. Sa seule erreur se trouve dans le choix du casting français (Mélanie Laurent ne se hisse pas à  la hauteur de ses partenaires, Jacky Ido est tout simplement nul, et Denis Ménochet, sacrée gueule de cinéma, dégringole de dix étages dès qu’il ouvre la bouche). Il y a aussi une dizaine de mauvais raccords mystérieux dont on ne saura jamais s’ils sont l’inspiration de l’amateurisme du cinéma bis ou de réelles erreurs, auquel cas le soi-disant perfectionnisme de Quentin Tarantino en prend un coup.

Mais c’est chipoter que de cantonner le film à  ces erreurs ; on est bien chez Tarantino, ça se sent, et il n’y a que lui pour donner une telle intensité graphique et émotionnelle à  des séquences basiques. La petite fusillade au ralenti dans la cabine de projection est un moment de cinéma d’ores et déjà  inoubliable, d’une apesanteur sensuelle. Il faut aussi reconnaître à  la succession des tours de force du film, non seulement d’assumer le décalage entre l’Histoire et son traitement, mais surtout la façon dont celui-ci ne s’écroule jamais, au contraire. Il porte le film, qu’il s’agisse d’un bon titre de rock sur fond de cocktail nazi ou de l’assassinat d’Hitler à  coup de mitraillette lourde, fiction très jouissive à  avaler. La construction même du film est basique, divisée en cinq chapitres (la division est élevée en art chez Tarantino), et malgré les excès volontaires, les fantasmes historiques et les incohérences géniales, tout cela s’enchaîne avec une limpidité qui laisse pantois.

Parfaitement huilé dans ses ficelles pourtant plus que voyantes, Inglourious Basterds est un film dédié au sous-cinéma et au plaisir de voir enfin une revanche juive aux crimes contre l’humanité commis par les nazis. Le traitement des personnages, lui, tient justement le scénario en place, ne laissant pas la primeur d’un personnage sur un autre : ainsi Christoph Waltz, ahurissant en détective acharné et polyglotte, Brad Pitt (sex-appeal aux vestiaires) en sosie de Brando dans Le Parrain et Mélanie Laurent, la jeune juive projectionniste, jouent un rôle de même importance. C’est aussi la force du film, ne pas sacrifier les éléments principaux du récit pour garder une linéarité à  travers la déconstruction temporelle (impossible chez Tarantino de raconter une histoire dans l’ordre chronologique, et tant mieux!). Tout concourt à  faire de Inglourious Basterds une perle dans la continuité du travail de son réalisateur, un film nouveau chez lui et pourtant toujours aussi irrésistiblement drôle et orgasmique face aux plaisirs de cinéma qu’il propose encore et toujours.

Mis à  part quelques longueurs et quelques défauts indéniables, cette relecture du genre et de l’Histoire constitue un moment de bravoure, un grand film de mise en scène et de comédiens (pour la plupart), servi par une inventivité et une maîtrise ahurissante qui attestent du savoir-faire intact de ce géant du ciné. Quant à  la dernière phrase du film, summum du second degré, totale méditation égocentrique sur le pouvoir mise en oeuvre par Tarantino lui-même, elle rajoute une dernière fois une dose du piment savoureux qui nous prend à  la gorge le long du film pour clôturer ces 2h30 de folie. Une fin qui ne pouvait pas mieux tomber après l’hystérie totale de la scène du cinéma embrasé, moment anthologique s’il en est, à  classer entre la chute de King Kong et la douche de Psychose, : That’s a bingo!

Jean-Baptiste Doulcet

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Inglourious Basterds
Film américain de Quentin Tarantino
Genre : Guerre
Durée : 2h33
Sortie : 19 Août 2009
Avec Brad Pitt, Christopher Waltz, Mélanie Laurent,…

La bande-annonce :

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1 thoughts on “Inglourious Basterds

  1. je trouve que cette article ne montre pas les bon talents de Jacky ido ! car il a un vrai talent !!

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