Jeune, cultivé, brillant, le narrateur de ce roman brésilien a tout pour réussir, donc n’envisage absolument pas de s’occuper, d’une éventuelle progéniture. C’est pourtant ce qui lui arrive, et bien trop tôt pour appréhender un tel changement. Qui plus est, son enfant n’est pas le digne héritier de son modèle de père, mais un trisomique souffreuteux, atteint du syndrome de Dawn, maladie assez rare et le plus souvent fatale.
Apprendre à aimer, devenir père, se résigner à une vie non décidée, en somme changer : tel est le difficile parcours du jeune homme, intensément mis en exergue par Cristovà£o Tezza. Car il faut rapidement dépasser l’impression première d’un énième roman larmoyant sur des vies brisées par de longues maladies incurables, ou les nombreux témoignages de personnes handicapées, trisomiques ou vivant avec des membres de leur famille atteints de ces pathologies. Le Fils du printemps est très éloigné de ce type d’ouvrage. Il décontenance même, avec l’acharnement premier du nouveau paternel à ne pas accpeter sa descendance, voire lui souhaiter une mort rapide.
Peu de romanciers ont osé à ce point traiter du tabou des pères qui refusent leurs enfants. L’instinct paternel semble toujours inné, acquis dans notre société. Il paraît inconcevable de seulement imaginer, refuser un nouveau-né que l’on n’a pas désiré, ne pas le reconnaître, ne pas en vouloir, décider même de s’en débarrasser. Tezza parle crûment des tiraillements internes qui peuvent nous peser à haîr un être conçu mais non voulu. Et c’est très fort, probablement le meilleur atout de ce livre qui reste malré tout assez bavard.
En effet, nous suivons le narrateur dans son cheminement, ardu et peu évident, vers l’acceptation d’un être, et de plus »inférieur » selon ses mots. La construction du roman est en harmonie avec l’apprentissage de l’amour de ce père à son fils, tout en longues phrases alambiquées, où ce dernier se perd en disgressions comme une personne qui ne sait plus où elle en est, mais qui souhaiterait, au bout de cette course, arriver à aimer, mais qui ne sait pas comment s’y prendre. Peu à peu, le lecteur se prend d’empathie pour ce personnage assez détestable mais, évidemment, tellement humain.
Dès lors, la fin déçoit par trop d’évidence : le père apprend à aimer, puis finalement, à travers son enfant, à s’aimer lui-même. On aurait aimé une fin tout autre, sans pour autant donner de solutions, mais son côté »happy end » à l’américaine ternit quelque peu ce roman assez fort. Néanmoins, Le Fils du printemps est à découvrir, principalement pour la beauté du style de Tezza, à la fois très lyrique et sans concessions.
Jean-François Lahorgue
Le Fils du printemps, de Cristovà£o Tezza
Editions Métailié, 203 p., 17 €¬ environ
Date de parution : septembre 2009.