Il y a Park Chan-wook et Park Chan-wook : le grand fou qui réalisa Sympathy for Mr. Vengeance et Old Boy, deux des plus grands films sud-coréens de ce siècle, et celui de Je suis un cyborg et aujourd’hui Thirst, ceci est mon sang, deux films mineurs dont l’un (le dernier en date) va même jusqu’à l’infamie.
L’histoire de vampires ici, on le sent, se prête à un mélange des genres et une forte réappropriation des codes pour tendre vers un récit imprévisible. Love story et film de cul, oeuvre fantastique foutraque, comédie biblique et ésotérisme gore sont au coeur de ce joyeux bordel de Série B qui, malheureusement, se prend au sérieux. La prétendue virtuosité scénographique et le second degré n’excluent pas la prétention stylistique dont pâtit le film du début à la fin : d’autant qu’il n’y a rien de soigné ici pour que cela soit justifié. La réalisation en carton-pâte avec effets bling-bling (je bouge ma caméra partout même lors d’une scène de sommeil sur fond de lumières verdâtres pseudo-Tim Burton), le scénario faussement mystique et l’esthétique inaboutie font du film une fausse oeuvre originale qui tourne à la blague amateur. Il n’y a ni application ni personnalité, et à mille lieues du surprenant Morse, qui lui aussi réinventait le langage du genre, Thirst, ceci est mon sang ne fonctionne que sur une association d’idées plus ou moins bonnes mais jamais canalisées par un montage affreusement hachuré et une absence criante de style.
Là où Morse réinventait intelligemment le genre, c’est qu’il débouchait sur des résonnances universelles dans une imagerie poétique. Dans Thirst, ceci est mon sang, si ce n’est le dernier plan, la poésie laisse place à une potion psychédélique sans queue ni tête, insupportablement longue, et la présence de parallèles (comme l’amour passionné, la prison parentale ») se noie dans la volonté déraisonnable d’aborder tout et rien à la fois. Chez Tarantino, pour l’exemple classique, ça marche parce qu’il y a l’application d’un style abouti et d’un second degré conscient de n’être que second. Ici, le film n’a que l’apparence des moments ‘cool’ du cinéma bis, ajoutée au fait que la réalisation est médiocre, voire insupportable, et surtout que Park Chan-wook a comme l’impression de renouveler le cinéma, – alors même que le massacre final pompe allègrement Bug de William Friedkin.
C’est long, bête, moche, tape-à -l’oeil, difficilement regardable, et loin d’être si audacieux qu’on l’a dit ; c’est juste une grotesque farce sans farce, un cinéma du (sans)fond, un abîme d’ennui et de pose. Reste effectivement deux scènes de sexe qui valent le détour, engouffrées sincèrement dans la mise en scène cachée d’un porno amateur : on constatera tout de même que de nos jours, malgré le développement économique confirmé de la Corée du Sud, la fellation n’est toujours pas au menu.
Jean-Baptiste Doulcet
Thirst, ceci est mon sang
Film sud-coréen de Park Chan-wook
Genre : Drame, thriller
Durée : 2h13
Sortie : 30 Septembre 2009
Avec Song Kang-Ho, Kim Ok-vin, Kim Hae-Sook,…
La bande-annonce :