Le cinéma iranien ouvre une nouvelle ère dans l’avancée artistique et culturelle du pays ; celui d’une liberté jusque-là interdite, portée dans le récent A propos d’Elly, qui soulignait en filigrane la question de la condition féminine, et transcendée dans Les Chats Persans d’une vitalité et d’une force universelle à couper le souffle. Tout est musique dans le film de Bahman Ghobadi ; le rythme des plans, la construction à chaque nouveau titre, tout est mélodique dans sa vitesse résonnant comme un besoin de vivre et de dépasser les normes.
Les Chats Persans pourrait se réduire de manière basique à une soif de liberté. Mais le film est beaucoup plus que ça, car il entend prouver que l’homme a besoin d’espaces larges pour jouir pleinement de son existence, et que le cinéma et la musique ont eux la possibilité de décider des choses. Peut-être que le pessimisme final vers lequel tend le cinéaste n’est-il , pas autre chose qu’un espoir qui continue de filer derrière l’accusation qu’il porte sur l’enfermement des sensibilités que pratique le gouvernement iranien sur le peuple. Scandé de musiques diverses, de textes variés, de mises en images hétéroclites mais toutes complémentaires les unes des autres, Les Chats Persans est un cri barbare de la nécessité et de la survie de tout un peuple, emprisonné par des clauses morales imposées. Dans sa multitude d’éléments esthétiques, musicaux et scénaristiques (la trame est légère mais peuplée de fourmillements grâce aux personnages et à leurs particularités), le film prend le parti intouchable et efficace de l’expression libre en mêlant plusieurs genres, qu’il s’agisse des styles musicaux comme du dispositif inspiré de faits réels, à mi-chemin entre l’évocation documentaire et la fiction délirante.
Toute cette masse de possibilités et de langages pour atteindre le coeur d’un problème dramatique, que les images évoquent subitement, de manière saccadée et déliée ; le droit à l’expression, les clivages sociaux, le désir d’évasion, l’accomplissement artistique. La force du film est de reposer sur la multitude, de thèmes comme de manières pour les aborder. Il en découle une expressivité puissante, un magma d’idéaux libérateurs et imposants dans la joie qu’ils procurent jusqu’au spectateur, pas forcément concerné par ce problème artistique. C’est là que Les Chats Persans parvient à bouleverser et à parler à chacun, car il défend l’idée que, mélangés dans tous les moules, le cinéma et la musique sont suffisants pour bousculer les consciences et exploser à la gueule des cons.
Jean-Baptiste Doulcet
Les Chats persans
Film iranien de Bahman Ghobadi
Genre : Drame
Durée : 1h41
Sortie : 23 Décembre 2009
Avec Hegar Shaghaghi, Ashkan Koshanejad, Hamed Behdad,…
La bande-annonce :