Pour son premier long-métrage, Laurent Perreau construit une histoire double, opposant deux trajectoires. Celles de Claire, jeune fille de 17 ans en pleine construction identitaire et recherche de repères, et de Maurice, son grand-père qui l’a recueillie à la mort de sa mère. S.’ils cohabitent dans une vieille et grande demeure, terrain idéal à faire surgir les fantômes du passé et à devenir le théâtre d’ombres du présent, et ont en commun le même caractère insoumis, rebelle et indépendant, Claire et Maurice vivent pour le reste sans se côtoyer, la première vivant presque comme une vagabonde et paraissant toujours se dérober au regard et à la présence de son ancêtre, le second désapprouvant la conduite sauvageonne de sa petite-fille, lui reprochant cette » aptitude extravagante à ne rien faire « .
Et il est vrai que Claire a bien du mal à voir clair dans son existence qu’elle partage en sorties nocturnes au cours desquelles elle rencontre Thomas, apprenti écrivain qui pour l’heure veille à la sécurité du casino local, et en entrainement à la piscine. Rien ne satisfait réellement l’adolescente mal dans sa peau, qui casse ou sabote ce qu’elle vient juste de construire. La clef est sans doute à chercher du côté de la relation compliquée qu’elle entretient avec Maurice (son seul lien familial). Mais le rapprochement prévisible entre les deux accompagne davantage qu’il ne les précède la maturation et le passage à l’âge adulte de Claire.
Le Bel âge fait partie de ces films qui demandent à être apprivoisés. La juxtaposition symétrique et systématique des deux univers filmés en rythmes et éclairages opposés est d’abord trop visible, plongeant le film dans une certaine artificialité. Cependant, peu à peu, le charme opère parallèlement à l’éclosion au monde de Claire, abandonnant ses moues renfrognées pour un sourire lumineux qui irradie son visage. Le film s’étoffe vraiment lorsqu’il réalise la fusion de ses deux histoires à la faveur d’un événement banal qui rapproche les personnages. Une nuit d’orage, privés d’électricité et éclairés à la bougie, Claire écoute Maurice raconter sa terrible histoire. A l’heure où la jeune fille forge son propre destin et enrichit sa mémoire, le vieil homme, rattrapé par la sienne, ressasse son passé et ses souvenirs au crépuscule de sa vie, en exhortant Claire à partir et visiter le monde.
Face à un Michel Piccoli bougon et sage, épicurien égoîste qui s’offre les services d’une belle femme, Pauline Etienne, vue récemment dans Qu.’un seul tienne et les autres suivront, campe avec fougue et rage cette jeune pousse indisciplinée et revêche. l’élément aquatique pour Claire et les souvenirs de guerre de Maurice évoqués en compagnie d’un ancien condisciple rajoutent à l’atmosphère troublante et séduisante de l’ensemble. Le Bel âge, dont on ignore qui il désigne ici, mais pas uniquement celui de l’adolescence tourmentée et titubante, est un premier film singulier et prometteur, tout en finesse et en subtilité, à la mise en scène soignée avec notamment une belle photographie.
Patrick Braganti
Le Bel âge
Film français de Laurent Perreau
Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h37
Sortie : 30 Décembre 2009
Avec Michel Piccoli, Pauline Etienne, Eric Caracava,…
La bande-annonce :