L’histoire d’un type qui, issu de la guerre et de l’oppression nazie, se consacra à son art pour en vivre de la manière la plus libre qui soit, accumulant femmes, Gitanes et goulots dans le bonheur du néant. Son affreuse gueule révéla une beauté intérieure, sa musique exprima l’amour qu’il portait au sexe féminin, avant de sombrer dans un délire schizophrénique et surtout alcoolique. Derrière la façade du vivant parmi les morts, de l’ivresse au petit matin, de l’éborgné aux joies sans limites, se cache un véritable salaud irresponsable qui, peu à peu, dérive vers la folie.
Quels moyens expressifs Joann Sfar, l’un des papes de la BD française, avait-il pour rendre à l’écran le personnage mythique de Serge Gainsbourg ? Il l’a fantasmé marionnette gambadant sur le cul des femmes, avec flashs expressionnistes sur une barbe de trois jours et ellipses à gogo entre Paris et la Jamaîque. Mais la courte audace du film ne tient que sur deux points, : l’incrustation sur la toile d’inconscients animés, de doubles incarnés sous une forme d’artiste caricatural, et sur la nomination du film en tant que ‘Conte’. La nuance, aussi légère puisse-t-elle paraître, apporte néanmoins une grande différence avec ce qu’aurait pu être le film – du conte, Joann Sfar n’en saisit que l’apparence, avec des diables qui sont nos propres clones à la place des fées, des lumières bleutées, arches enfumées et tonalités oniriques. Au fond pourtant, le film n’aborde aucun code dudit genre.
Le réalisateur se contente d’enfiler les clichés comme Gainsbourg les femmes, la jouissance en moins, l’idée même du film étant de justifier une onde créatrice à chaque paire de fesses séduite. La concordance tourne vite à la catastrophe ; alors que l’hystérie sexuelle devient une dominante progressive, Gainsbourg sort de l’ombre vers la lumière, trop vite acquis et saisi dans ses engrenages, sous son apparence la plus superficielle, celle du séducteur involontaire, du sale type incompris qui vire à la déglingue avant de finir noyé dans son whisky. L’acte créateur, lui, n’articule que les rares grandes lignes du film, véritable catalogue de perruques ambulantes (une actrice = une chanteuse). Seul Eric Elmosnino, d’une prestance exceptionnelle, parvient à saisir l’âme et la chair enfumée de †˜Gainsbarre.’.
Les quelques idées du film, elles, sont plombées par le jeu approximatif des comédiens des seconds rôles, la tyrannie scénaristique, la mise en scène surréaliste et l’intention principale de la dualité, inaboutie et qui se révèle finalement être une fausse bonne idée. Quant à la reconstitution, le film n’en évacue pas les tics vulgaires du cinéma français bobo, avec léchage de décors et ambiance bohème de studio repeint la veille. Pour un film qui se veut à l’encontre des traditions du biopic, cela semble gênant. Car c’est bien là que le film retombe sans le vouloir, dans un moule d’essai qui s’efforce d’être original mais n’y parvient jamais avec le naturel des grands. Pire que banal, Gainsbourg – (vie héroîque) en devient oubliable et oublié.
Jean-Baptiste Doulcet
Gainsbourg – (vie heroîque)
Film français de Joann Sfar
Genre : Biopic, Musical
Durée : 2h10
Sortie : 20 Janvier 2010
Avec Eric Elmosnino, Lucy Gordon, Laetitia Casta,…
La bande-annonce :