Le Festival de Gérardmer, c’était du 27 au 31 Janvier, avec des inédits, des reprises, des futurs talents, des courts-métrages, le tout placé sous le signe de l’horreur et du fantastique. Ainsi les festivaliers ont pu voir pour leur plus grand bonheur repasser 2001 l’odyssée de l’espace ou le »Solaris » de Tarkovski, »Predator »et autres »Alien » puisque la thématique cette année était liée au silence.
EN COMPETITION :
En compétition officielle, huit films sont venus poser une marque originale dans les quatre salles servant de lieu de projection. L’allemand »The door » (pour lequel j’ai malheureusement été refoulé à l’entrée) repart avec le Grand Prix du jury, présidé par John McTiernan. Il suffira d’attendre une sortie en salles prévue très prochainement pour juger ce film fantastique trash qui, pourtant, n’a pas l’air d’avoir véritablement séduit le public. Dans un autre genre, le britannique »Moon » (*) ouvre une perspective intéressante dans le genre très fermé du film spatial avec une histoire de clones obsédante qui dérive vite dans le grand n’importe quoi incontrôlé, à la fois à travers la médiocrité de la réalisation et les pistes narratives irrésolues. On retient toutefois »Sam Rockwell » impressionnant dans un double rôle ; le film lui doit tout, notamment ses incompréhensibles »Prix du Jury » et »Prix de la critique ».
Dans une autre contrée, »Possessed » (***) de Lee Yong-Ju s’affirme comme l’un des meilleurs films de la compétition, si ce n’est le meilleur. Il repart d’ailleurs avec le Prix du Jury jeunes de la région Lorraine. Ce film sud-coréen traite intelligemment des croyances locales et mêle à son suspense chamanique une terreur familiale et une série de personnages angoissants au possible. Les acteurs sont fabuleux, la mise en scène splendide et quelques scènes apparaissent déjà comme inoubliables par la force de ce qu’elles sèment dans la complexité d’un récit douloureux qui s’achève dans une lumière salvatrice.
Plus expérimental, »Amer (0) » des belges Hélène Cattet et Bruno Forzani apparaît comme une insupportable expérience audio-visuelle sans queue ni tête. L’intention (louable) des cinéastes était de faire naître une angoisse sur la base des sensations entre le plaisir et la douleur, dont la passerelle est la chair. Gamine qui marche sur son urine avec filtre bleu, orgasme wharolien de toutes les couleurs, masturbation au peigne dans une baignoire… Le film n’est qu’un fourre-tout intellectuel d’une prétention absolue, indigne d’une telle compétition et tout simplement plus drôle qu’effrayant.
Bien plus abouti et d’une intelligence machiavélique, »5150 rue des Ormes » (***) allie avec brio le huis-clos et le thriller d’épouvante. Plus éloigné des autres films dans son traitement sobre (pas de fantastique ni d’horreur), ce premier long-métrage québécois est paradoxalement le plus puissant dans sa tension macabre qui va crescendo vers une partie d’échecs mythique et dont on vous laisse la surprise. La force du film est justement sa construction psychologique en forme de jeu d’échecs, ainsi que son audace particulièrement diabolique et d’une efficacité certaine. Quant à l’acteur Normand D’Amour, il mériterait qu’on lui invente un »Prix spécial » du meilleur acteur pour sa prestation en bourreau illuminé.
Qui dit cinéma fantastique dit cinéma espagnol ; la récente crue de films de genre latino (« REC » »L’orphelinat » »Les Autres » »Le labyrinthe de Pan ») obligeait presque le festival à imposer un cinéma du milieu ; cette année, »Hierro » (**) sentait la victoire à plein nez dans la Compétition. Les 20 premières minutes, d’une virtuosité sidérante, exploitent à fond la puissance de l’image, l’originalité des décors (zoo aquatique, ferry) afin de dérouler peu à peu, avec subtilité, l’intrigue de cette mère recherchant son fils disparu à bord d’un bateau. Malheureusement le film devient vite linéaire et la révélation finale, amenée subitement et sans tension, vient couler les nombreuses qualités de ce long-métrage ; beauté élégiaque de chaque plan, bande-originale splendide, actrice fabuleuse, sens du découpage extrêmement précis et univers psychique finement représenté par l’île. On retiendra même quelques séquences colossales, comme cet accident de voiture qui ouvre le film dans une abstraction nocturne. D’Espagne provenait aussi Les témoins du mal, visiblement renié par la presse et le public, et que le sommeil m’aura empêché de voir. Quant à « La Horde » le seul film français de la compétition (que je n’ai pas vu non plus mais qui sort en salles dans une semaine), il reçoit le »Prix du Jury Sci-Fi » et est applaudi du public, véritable défenseur d’un genre (le film de zombies) archi-rare en France.
HORS COMPETITION :
Hors compétition, on pouvait voir l’excellent »Doghouse » (***), comédie british décapante, mi-féministe mi-machiste sur un village de femmes zombies ; entre la grand-mère, la bonne soeur, la mariée en porte-jaretelles, la coiffeuse, la pute, une ribambelle de créatures divines défilent pour cisailler du mâle, ou plutôt quelques potes partis se prendre une murge le temps d’un week-end apaisé. Combat de la femme contre la beaufitude, et, d’un autre côté, délire pour mecs avec stéréotype féminin, le film ne se mouille pas mais dégoupille les normes avec un second degré savoureux et un excès d’action, de vulgarité et de débilité absolument jouissif.
Quant au point fort du festival, ce fût peut-être le »Survival of the dead » de Romero (****), dernier en date et qui sortira prochainement. Toujours dans la même veine (le film de zombies donc…), le maître du genre se départit cette fois de certains tics, mélange les genres et signe un surprenant western poétique et macabre, tout à fait nouveau et inattendu dans le genre, en adoptant cette fois une réalisation plus onirique et un humour tranchant, d’une merveilleuse invention »Survival of the dead » plus qu’un simple film d’horreur, est une déclaration d’amour au cinéma de tous les styles, variant les langages dans un entremêlement des mythologies de l’Amérique et de ses films romanesques. Ce dernier Romero, par la force de ce qui en découle et l’inventivité, pour ne pas dire la jeunesse soudaine, du style, tient peut-être de son meilleur film. Bouleversant, drôle, improbable, allumé et sensible, voilà qui efface le maniérisme du précédent, son Diary of the dead tourné en caméra embarquée et dont l’opportunisme de la démarche gommait toute l’efficacité du procédé.
Pour terminer, et même s’il faut passer sous silence certains films (faute de temps et de place, on n’aura pas pu voir le nouveau Vincenzo Natali, »Cargo » ou »Halloween 2″), impossible de conclure l’article sans citer »la Nuit Zombies » programmée de 00h30 à 6h30 du matin. Au commencement, une mise en scène en chair humaine d’un docteur dépecant sa victime sur fond de métal qui dépote, devant l’écran qui finira par projeter »Zone of the dead » (0), nanar serbe indéfendable du niveau d’un »Derrick » (et doublé dans un anglais d’une médiocrité accablante!). La salle se vide peu à peu à la vue de cet horrible téléfilm qui se réclame de Romero avec un second degré qui, malheureusement, ne fonctionne pas du tout.
Deuxième film de cette nuit marathon, le »Zombie » de Romero (1978 – ***), classique parmi les classiques, dans une copie fragile qui est à deux doigts de sauter. Décor quasi-unique du centre commercial, avec dimension sociale sur la place des noirs dans les Etats-Unis des années 70-80. Le film, malgré son vieillissement technique, n’a pas perdu de sa superbe, son traitement intelligent de l’action et sa force spectaculaire quand il s’agit de montrer une violence crue et d’actualité. Enfin, pour terminer, les plus courageux (je m’exclus de ceux-là !) auront pu apprécier, à l’aube, le remake de »Zombie » par Zack Snyder, »L’armée des morts » (2004 – ***), réadaptation intelligente d’un mythe cinématographique venue clôturer en guise de troisième film cette nuit horrifique marquante…
RENDEZ-VOUS EN 2011 pour encore plus de frissons !!!
Jean-Baptiste Doulcet