Le cas s’agGraff, le dossier est de plus en plus chargé, les doutes se dissipent : Laurent Graff serait donc en passe de devenir le témoin majeur du délitement de nos vies. Plus que jamais, pour l’auteur, nous ne devenons que l’ombre de nous-mêmes.
Le Cri et Il ne vous reste qu’une photo à prendre abordaient déjà ce thème, que les dix nouvelles contenues dans cet actuel recueil concrétisent de brillante manière. Graff évoquent des vies qui se désagrègent progressivement, des vies qui n’en sont pas vraiment, des vies par procuration, des vies passées à éviter de vivre…
Dans Selon toute vraisemblance, on croise un client-mystère qui doit jouer au quidam le plus commun pour évaluer des établissements, une femme qui perd peu à peu les lettres de son patronyme, le témoignage d’un nourrisson mort-né, un accidenté qui se mange pour vivre…soit des situations vraisemblables autant qu’absurdes, drôles qu’inquiétantes, et narrées d’une écriture précise et sèche, d’une fausse banalité, comme si l’écrivain se mettait au diapason de son sujet en faisant d’une oeuvre de prime abord moyenne une identité propre.
On est vraiment secoués par cette manière frontale et presque cynique d’affronter les situations les plus extra-ordinaires en les rendant affreusement ordinaires, noyées dans le formol de notre quotidien asphyxiant et commun jusqu’à -justement- l’absurde.
Le résultat impressionne. Graff s’approche désormais des grands noms de la littérature ironique, tous les Topor, Perec et autres délires oulipiens. L’ironie et le dérisoire, mais qui interrogent, et terrorisent simplement, sûrement.
Jean-François Lahorgue
Selon toute vraisemblance, de Laurent Graff
Le Dilettante, 155 pages, 15 €¬
Date de parution : mars 2010.
Moi, je dis qu’on devrait laisser les comateux se faire photographier par leur fille plus souvent…