Que voit-on vraiment de plus chez Todd Solondz que dans le paysage habituel du cinéma d’auteur américain? Réputé comme étant le sale gosse de la petite production outre-manche, on peut se demander face à ce nouveau film où est réellement ce fameux cynisme perturbateur et cette immoralité mordante.
Sous couvert d’humour noir et de portraits psychanalytiques d’un peuple déréglé par sa propre Histoire (« Les Etats-Unis sont le seul pays à être passé de la barbarie à la décadence sans connaître la civilisation », dixit la beauté de l’anonymat), »Life during wartime » développe une série de métaphores directes à l’intérieur même des métaphores que représentent chaque personnage. Ce serait alors peu dire qu’il y a un total abandon du fond et un grave manque de densité dans la critique acide et décalée. Solondz joue au surréaliste des temps modernes (où les notions de surréalisme et de moderne dépendent l’une de l’autre), attaque de front mais se retire trop facilement dans la fable allégorique à laquelle on perd tout accès, qu’il s’agisse de l’émotion, du rythme qui nous guide ou de la compréhension moulée dans une forme vaguement tordue »Life during wartime » – titre si vaste et si peu récompensé par le film lui-même – dépeint clairement une remarque généralisée des choses, entre la bizarrerie sucrée et l’ironie piquante, mais jamais les deux approches ne compatissent en un même regard tendancieux. Tout, jusque dans la propreté dérangeante des cadres, sonne involontairement faux dans sa volonté d’être faux. Autrement dit, »l’univers » (donc le faux) que construit Solondz dans le but d’être factice finit par ‘paraître’ (le vrai) tel quel, comme si toute cette démarche n’était autre qu’une recherche esthétique personnelle, un petit laboratoire d’essai filmique et visuel qui n’inspire qu’un lointain ennui.
Le récit filandreux se voudrait supérieur dans sa forme chorale, mais le film n’appartient à aucun style (une qualité parfois, un grave défaut souvent) et l’appui métaphorique avec lequel sont traité tous les thèmes (la communauté juive, la pédophilie, l’infidélité) ne font qu’empatir la vision déjà très imprécise de Solondz. C’est souvent quand on se veut épineux que l’on est seulement gentil et réservé, malgré la grandeur d’acteurs sur lesquels on a tout misé.
Jean-Baptiste Doulcet
Life during wartime
Film américain de Todd Solondz
Genre : Comédie dramatique
Avec : Shirley Henderson, Ciaran Hinds, Allison Janney…
Durée : 1h38 min
Date de sortie cinéma : 28 Avrîl 2010