Le cinéma français a pour redondance, il faut l’avouer, cette passion pour raconter toujours la même chose ; des couples qui battent de l’aile, s’aiment et s’étreignent dans des élans fatals. Des visions constamment pessimistes du couple comme une psyché incanalisable. La question reste alors de savoir comment raconter cette même histoire alors que tout le monde n’a cessé de nous l’apprendre jusqu’à ce que nous connaissions chaque séquence par coeur.
Michaël Cohen, qui adapte son propre roman, opte ici pour une fragmentation du récit. Sans maîtriser réellement le principe décousu de la narration (métaphore directe d’un couple qui éclate dans son incohérence et sa communication à sens unique), l’acteur-romancier-scénariste-réalisateur livre toutefois un beau portrait de couple désenchanté. Sa mise en scène au plus proche de l’amour offre quelques moments de pure grâce, piégeant la vérité amoureuse dans son animalité ou l’odeur du souvenir qu’elle dégage. Lui, raide dingue, est d’une fragilité magnifique, et elle, névrosée insupportable, devient progressivement l’élément incompris et incompréhensible de l’histoire, cette femme qui devient folle au fur et à mesure qu’on la découvre d’avant en arrière dans le récit. Le film comporte assurément l’héritage mal dissimulé d’une nouvelle vague stylisée (des Airs tirés d’Hamlet lors des séquences les plus anodines tiennent d’une prétention auteuriste difficilement défendable), cherchant au niveau de la tragédie là où n’y a la plupart du temps qu’un simple film sans renouvellement. Mais Michaël Cohen a tout de même le mérite de saisir des évènements basiques en leur insufflant une beauté quotidienne que peu de cinéastes parviennent à capter dans l’analyse clinique d’un couple. Et c’est peut-être parce qu’ici il n’y a rien de clinique, juste une ligne directrice totalement floue, que le film s’allège et devient élégiaque dans sa description sensuelle du désir et du drame humain.
Cohen himself et Béart sont exceptionnels et jouent d’un bout à l’autre ce jeu de la tyrannie et du pétage de plombs, chacun exercant un pouvoir sorcier sur l’autre. C’est en partie grâce à eux que l’on retiendra beaucoup de choses fortes de cet essai fébrile, ainsi que la tentative de filmer l’immatérialité du désir de si près, presque au travers des corps. La limite et le ridicule qui s’ensuit se présentent lorsque cette intimité pénétrée oblige un dialogue conjugal lors d’une scène de brossage de dents en champ-contrechamps très serrés. D’un autre côté, il y a une saisissante et enivrante volonté d’aller vers la beauté des corps et de violer leurs secrets, jusque dans la cruauté animale et la violence sexuelle que subissent dans un harcèlement devenu normal, ces deux amoureux en plein crash.
Jean-Baptiste Doulcet
Ca commence par la fin
Film français de Michaël Cohen
Genre : Drame / Romance
Durée : 1h28 min
Avec : Emmanuelle Béart, Michaël Cohen…
Date de sortie cinéma : 26 Mai 2010