Alors voilà , on dirait que cet album de Programme je me le suis passé et repassé dans le lecteur. Et que je ne l’ai pas aimé. Et que plus je ne l’aimais pas plus je respectais la démarche de ses auteurs.
Mais plus je ne l’aimais pas quand même. Puis je me suis rendu compte que je n’étais plus apte à chroniquer un album de Programme pour des raisons ontologiques.
Je suis pop. Voilà j’ai fait mon coming out façon blog. Et ce constat de vieux con fait que pour moi la musique est un plaisir mélangeant intellectualisme et cri primaire, recherche musicale et plaisir. Pour moi l’album idéal est celui qui parle à mon humble cervelle, mais ne néglige pas de m’enthousiasmer le corps et mon temps de cerveau disponible.
l’album parfait étant celui qui utiliserait des armes intelligentes, une construction ultra réfléchie, originale, moderne, pour produire un album qui s’insinue dans mon ciboulot et dont la seule évocation ferait se mouvoir mon gros corps en ritournelle au milieu du salon. Programme n’a pas les mêmes ambitions musicales que votre serviteur. C.’est pour ça que je ne suis plus qualifié pour aimer ce groupe.
Tentons l’approche une dernière fois dans l’explication de ce disque. Arnaud Michniak et Damien Bétous sont le duo qui préside à la destinée de Programme. On connait le premier depuis l’aventure en groupe et ses revendications sociales à fleur de peau. On connait le second pour ses recherches musicales sans concession. Les deux s’associent pour déconstruire pierre à pierre tous les artifices sociaux ou corporatistes d’une chanson populaire.
Je respecte énormément la démarche du duo. l’absence de concession et le jusqu’au boutisme qui sonne dès la première note de l’album. Programme attaque la pop au Karcher, non pas pour lisser la dalle, mais bien plutôt pour voir si sous le goudron ne subsiste pas quelque trace de sable ou d’anarchie. Michniak et Bétous réinventent le RAP. Un flow, des paroles de guérilla placée sur une musique samplée ou loopée qui tabasse le ronron à coup d’upercut ou de grand écart sonore au sein du même titre. On pense plus à Tzara ou à Antonin Artaud qu’à Sinik. On pense plus au cocktail molotov qu’à Skyrock. Et ça fait plaisir. On a beau être désabusé, se dire que le monde ne changera jamais et qu’y faire son trou à peu près correct semble une alternative de survivant, je suis heureux de voir que Michniak qui doit avoir pas loin de mon âge continue à porter sa rage en écharpe, son envie d’en découdre en mots qu’il débitent en chapelets vocodées sans vocoder, comme des coups de tronçonneuses vocales pour entamer le massacre. Je suis, favorable à la démarche. Je la respecte et j’admire le projet ciselé qui semble présider à l’ensemble.
Mais le fond popeux lénifié qui fait le lit de mes préférences se réveille bien avant la fin du disque. J.’ai beau savoir que la démarche est honorable, que j’aime bien le gros FUCK écrit en lettre néon au dessus de l’album »Je n’arrive pas à me dire que je réécouterai ce disque. Je ne parviens pas à me persuader qu’il faut que je m’inflige une volée de rocailles qui ne me procure aucun plaisir d’écoute à part celui de respect pour le jusqu’au boutisme.
Programme ne fait pas dans la dentelle, la voix est atone, vindicative. Elle rappe plus acérée que n’importe quel rappeur de cité, et prends les idéologies en grippe plus que la quotidien de loulou. OK. Les sons sont travaillées comme des écrins ou plutôt devrais-je dire comme des manches de la pelle avec laquelle Michniak nous tape sur la tronche. l’album de Programme ne fait aucune concession. Et à force devient un non objet musical, un manifeste pour une rebellion, radicalisée. Fameux. Pourtant, c’est aussi un album, présenté comme un support de musique. Et le popeux qui sommeille ne peut que fustiger un disque matraque, redondant dans la forme usant dans le ton qu’on finit par quitter avec mauvaise conscience oui, mais aussi la certitude que l’album ne s’en reviendra plus jamais se perdre dans le lecteur.
Et ça l’air de rien, quand on est amateur de pop, l’envie de réécoute ou l’incitation à la bande son d’un moment de notre quotidien, c’est quand même un peu juste l’argument primordial. Un disque que je n’ai pas envie de réécouter, malgré ses qualités, est un disque que je n’aime pas. Et que du coup je ne saurais conseiller., Mais c’est un manifeste de rebellion contemporaine, qui finit par se retourner contre son auditeur. l’impression est étrange, et traumatisante à la fois.
Denis Verloes
Tracklist
01. Je m’appelle
02. Agent Réel
03. Bruit Direct
04. C.’est une épreuve de force
05. Y.’a quelqu’un?
06. Ce n’est pas que ça
07. Nettoyage ethnique
08. Nous
09. N.A.M.
Date de sortie: 03 mai 20010
Label: Ici d’ailleurs
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Le clip d’Agent Réel sur Youtube