Cela faisait 6 ans que nous n’avions de nouvelles de Lunt. Je dis bien Lunt et non pas Gilles Deles, celui qui se cache derrière le pseudo et qui lui a participé à la production d’au moins une dizaine de disques et non de moindres (les deux Melatonine, the John Venture, Oulipo saliva d’Angil, (we are now) seated on profile d’Half asleep ou encore Enter the Automaton de B R OAD WAY.
Six ans donc que Gilles, co-fondateur en son temps du label We are Unique Records, avait laissé de côté ses propres compositions. Et encore, son dernier disque Fragments of free vol. 1 pouvait apparaître comme une parenthèse expérimentale d’un passionné qui cherche à explorer toutes les possibilités sonores d’une guitare électrique.
Switch the letters marque le retour au premier plan de Lunt, pour ce qui est à ce jour son album le plus accessible. Certains amis rencontrés en chemin participent en tant qu’invités sur l’album dont Mickael Mottet alias Angil dans l’inhabituel rôle de batteur. Une mention dans le livret peut même attirer l’attention et devenir symptomatique pour apprécier tout le travail de Lunt : Mickael est remercié de ne pas jouer de la batterie comme un batteur. Switch the letters, tout est remis en cause, les façons de faire habituelles sont reconsidérées à leur juste valeur et donc comme simple choix subjectif. Lunt joue aussi avec le hasard. Et d’ailleurs Delphine Dora est elle même remerciée pour un son concret et inattendu sur le morceau-titre.
Switch the letters peut donc s’apprécier à différents niveaux :, des titres facilement identifiables influencés par l’indie rock américain des années 90 à aujourd’hui. Mais ces mêmes titres subissent aussi une mini-révolution de l’intérieur. Rien de tapageur, rien qui pourrait chasser irrémédiablement les amateurs de bonnes chansons. Mais une légère translation s’opère dans un monde plus recherché et plus personnel : par des dissonances assumées, l’emploi d’un effet »expérimental » (comme un jeu de miroir éblouissant sur Golden House V1) ou plus précisément des cuivres utilisés de façon spectrale (we left with whispers, split my boody). Tout cela donne de nouvelles nuances de couleur, un contraste et une profondeur accrues, une version légèrement plus chaotique d’un ordre établi qui ressemble à la mise en danger d’un univers à la R.E.M.. Where’s the revolution ? est un bel exemple de cette dérive : une mandoline Buck-ienne nous entrainant dans une ballade d’apparence légère mais en clopinant sur une jambe et risquant de tomber dans un buisson d’ortie.
L’art de Lunt est d’arriver à faire ressortir de sa musique une émotion incroyable. Cela jaillit de paysages nus ou presque (The War zone : une guitare vibrante, un piano droit désaccordé et une voix haut perchée pour un résultat beau comme du Mark Hollis) Mais cela nait aussi de l’accumulation de boucles de guitares, de voix mystiques et de sons hypnotiques qui amènent Golden House V2 vers des sommets d’ivresse et de magie (un titre qui rappellera le trip de Lions kill everything de son ami Dana Hilliott).
Switch the letters est bel et bien le genre d’albums dont on découvrira encore la richesse dans 10 ans. Le plaisir est immédiat.
Denis Zorgniotti
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Tracklist
01. Golden House V2
02. We left with whispers
03. Where’s the revolution?
04. Golden House V1
05. The war zone
06. Sparks and darkness (my bloody valentine)
07. switch the letters
08. Split my body
09. Happiness is transient
Date de sortie: 25 avril 20010
Label: We are Unique records / La Baleine