Certes, on savait d’emblée qu’il n’était pas question de travailler la démesure du mythe comme Milos Forman le fît avec »Amadeus » mais plutôt de décrire les fêlures sociales d’une époque où la femme ne peut jouir d’une condition artistique que dans le silence. C’est cette injustice des sexes que René Féret a voulu montrer, sans jamais juger les personnages comme autre chose que les victimes d’une mentalité et d’une attitude imposée par le temps et par les difficultés à se détacher des valeurs établies. La démarche est toute à son honneur ; le résultat beaucoup moins. Car en lieu et place d’une ode à la femme et à sa chair (imaginons un instant ce que Jane Campion aurait fait d’un tel sujet…), René Féret reste scotché sur une adolescence qui sonne faux, pesant lourd dans la bouche de ses mauvais comédiens récitant des dialogues d’un commun exaspérant. On se croirait entre le style emphatique d’hier et la diction inarticulée d’aujourd’hui, créant ainsi des figures historiques qui n’appartiennent à personne d’autre qu’au cinéaste, dirigeant tant bien que mal la morne conviction de ses interprètes. De plus, la richesse historique d’une telle période et du sujet aux résonances contemporaines se développe ici comme un document éducatif visant à sensibiliser les enfants, en témoigne le texte d’une clarté si naîve qu’il en devient quasiment incompréhensible. Le pire reste les dialogues échangés entre mère et fille, entre adulte et adolescente, entre épouse et vierge, sur le thème des garçons. La leçon d’apprentissage en devient lourdement insistante, troquant bêtement le naturel du regard ado contre les vertus explicatives de celle qui accoucha d’un génie. Immense discours sans fin pleurant sur le passé, »Nannerl, la soeur de Mozart » aurait pu être bien plus important s’il avait osé l’écho direct avec notre temps, et résolu la question féminine avant tout dans le désir plutôt que dans des montagnes de dialogues amateurs. L’inspiration souvent vivifiante de René Féret perd ici tout son charme et se métamorphose en une affreuse conquête de la pédagogie, quelque part entre la manuel scolaire et le dictionnaire moral sur le rétablissement égal des sexes. Quant au Mozart qu’il laisse apparaître (rarement, pour notre bien), il dénote déjà une erreur fondamentale de vision, de goût et de casting.
Nannerl, la soeur de Mozart
Film français de René Féret
Genre : Drame historique
Durée : 2h
Avec : Marie Féret, Marc Barbé, Delphine Chuillot…
Date de sortie cinéma : 9 Juin 2010