Le cinéma péruvien, rarement installé dans l’importation européenne, semble profiter de l’élargissement du système de distribution français puisqu’après »Fausta » couronné l’année dernière d’un Ours d’Or à Berlin, sort cette intéressante réflexion sur les ravages de la jeunesse dorée, dans un style diamétralement opposé.
Le traitement débordant de sensualité et l’organisation d’une tension dramatique suggère avec brio la déliquescence du sombre triangle. La composition vaste et variée des plans offre un regard original sur un sujet rabâché, utilisant les horizons comme une mythologie qui perdure malgré cette villa high-tech déposée anormalement au bord de l’océan et dans laquelle se joue la perte des protagonistes.L’utilisation maîtrisée des plans-séquences parcourt avec fluidité l’érotisme des corps dans le cadre, prolongeant calmement et sans s’étirer dans une virtuosité tape-à -l’oeil l’action qui se déduit du non-dit (la relation quasi-incestueuse qui lie Andrea et Diego).
Plus que la crudité – qui peut aussi se défendre – , Josué Mendez opte pour une errance charnelle dans les méandres de ces petits bourgeois perdus dans un monde fermé et sans repères. La profondeur de champ joue l’illusion d’une possible échappée, décors infinis qui pourtant ne seront jamais traversés par ces prisonniers du bonheur, tous magnifiquement interprétés par de jeunes comédiens totalement inconnus en France. Cette façon de voir au-delà du décor donne toute sa dimension au film et son atmosphère solaire, sublimée par la photo de Mario Bassino. Dommage alors que la présence ininterrompue de musique techno vienne brutalement annihiler l’esprit quasi-poétique de l’oeuvre pour coller à l’univers de ces adolescents. Le lyrisme contenu à l’intérieur de cette chute méritait un silence vivifiant, permettant à l’observation des faits une plus calme position. La musique rend le film agité alors qu’il ne l’est pas, tout simplement parce qu’à force de superposer une musique électronique et rythmique sur des travellings latéraux, on a l’impression qu’une action démarre alors que la scène est en réalité en train de se terminer! Josué Mendez y voit peut-être un apport consistant sur la durée de son film, mais cela ne fait que nuire à l’esprit erratique et parfois hypnotique qu’il parvient à mettre en scène.
Le bon goût veut que la fin se passe de mélange sonore ; une douce musique et des rires de gamins suffisent pour clôturer ce travelling étrangement coloré dans un petit parc à jeux, cet endroit simple où est resté l’enfance de ceux qui ont trop vite grandis.
Jean-Baptiste Doulcet
Dioses
Film péruvien-argentin de Josué Mendez
Genre : Drame
Durée : 1h30 min
Avec : Sergio Gjurinovic, Anahi de Cardenas, Edgar Saba…
Date de sortie cinéma : 23 Juin 2010