L’été est probablement la meilleure occasion de revenir sur le troisième album du groupe français la Maison Tellier. Je dis bien »français » car en laissant leur musique se développer, on a davantage l’impression de traverser les contrées les plus reculées des USA avec un groupe folk-blues-rock local en bande-son. Mais c’est plutôt leur Normandie d’origine qui se revêt des apparats les plus yankees lorsque l’on parcourt l’oeuvre naissante mais déjà remarquable du quatuor fan de Maupassant (probablement…)
Laissons-nous donc porter par ce road movie musical qui nous plonge direct dans les routes rectilignes de l’Ouest Américain, où les ombres de Leone et Ford ne sont pas bien loin, visuellement parlant. Décor majestueux, orchestration à l’avenant : suite royale, goldmine, mexico city blues, Mount forever, josh the preacher s’imposent comme des hymnes folk-country-rock-blues d’un autre temps, ramenant parfois à des incantations proches du gospel et des racines mythologiques de la musique US. Comme Calexico, Two gallants et surtout les regrettés 16 Horsepower voici quelques années, La Maison Tellier invoque les plus grands artistes folk du début XXème siècle confrontés au son sale et tendu de guitares contemporaines et à des vocaux habités. Au détour d’un refrain rageur, on sent aussi que Bertrand Cantat n’est pas loin. Le groupe français a dû, comme nous tous, biberonner aux Noir Désir avant de défricher d’autres horizons moins balisés.
Ecoutez la Peste, par exemple. Balade fiévreuse, empreinte de références historico-religieuses mais plus ou moins fantasmées, où les hommes doivent se rapprocher et s’aimer »mais de loin » en temps de pandémie. La voix d’Helmut crâne au-dessus de cordes presque enjouées. Grand morceau, simple et indispensable. Au milieu de ces folk-songs très connotées, identifiables à un genre codifié, s’échappent parfois un hommage aux premiers Bowie (Please Do), quelques grands noms français actuels également, comme Dominique A ou Tanger, et enfin du vrai rock-blues comme plus personne n’en fait (Five years blues).
Pourquoi ce groupe talentueux n’est-il donc pas plus connu ? Encore réservé à public d’aficionados, même s’il ne cesse de s’agrandir, la Maison Tellier a pourtant tout pour devenir le grand groupe folk électrique que la France attend depuis la fin de …. bon, on ne va pas encore les citer, mais il faut se rendre à l’évidence. Et le magnifique dernier morceau, no name #3, folk élégiaque, rappelle à la fois les Red House Painters, Greg brown ou Thomas Dybahl. C’est dire si ces frères Tellier, aidés de leurs comparses, méritent amplement de devenir les grands noms hexagonaux de demain. En attendant, mettez-vous à l’ombre, fermez les yeux, et fuguez : c’est du grand art.
Jean-François Lahorgue
La Maison Tellier – L’art de la fugue
3ème Bureau / Wagram
Date de parution : mars 2010.
Tracklist :
01 – Babouin
02 – Five Years Blues
03 – Suite Royale
04 – Please Do
05 – La Peste
06 – Mount Forever
07 – Laissez Venir
08 – L’Art de la Fugue
09 – Goldmine
10 – Josh the Preacher
11 – Mexico City Blues
12 – Il n’est point de Sot Métier [Part 2]
13 – No Name #3
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