Vendu comme une comédie de mauvais goût chic et choc par un auteur dont la noirceur a fait des ravages auparavant, »Le bruit des glaçons » ressemble pourtant à un film très personnel tant la comédie s’efface, en cinq minutes, pour brosser l’univers glauque et les visions surréalistes d’un homme malade.
Le noir dantesque de Blier, en homme de théâtre, semble tout droit venir de ses propres organes. Ses farces malsaines deviennent ici quelquechose de définitivement déplaisant parce qu’y pointe le réel et l’intime d’un cinéaste qui n’est pas loin de parler de lui-même, de ses propres questionnements existentiels sur la maladie et la mort. C’est ce qui lui inspire la splendeur d’un texte sans âge, et à l’inverse ce qui gâche son film en un conduit qui se cherche sans jamais savoir où il s’égare, fonçant de plus en plus vers un grand n’importe quoi. La cruauté des rares scènes effrayantes (car il y a malsain effrayant et malsain ridicule chez Blier), autour du cancer du sein notamment, offre au film la perspective d’une mise en scène et d’une humanisation de la mort qui fait froid dans le dos. Le reste n’est que mécanique en roue libre, succession dérangeante de scènes de fesse sans autre interêt que d’appartenir à l’alchimie répugnante du cul et de la mort, et de blagues pas toujours très inspirées sur la personnification du cancer.
Dupontel assure de ses habituelles mimiques le rôle décalé que lui offre Blier, mais on reste sur sa faim tant le concept de la maladie humaine ne dépasse pas le stade du simple décalage. Dujardin, en écrivain raté, se prend les pieds dans les filets de l’emprunt théâtral et joue à la diction plutôt que de rendre humain et fragile son personnage au bout du rouleau. Finalement, »Le bruit des glaçons » convainc plus lorsqu’il érige la bizarrerie féminine en une chimère puissante et perverse, torturant de son mystère les types banals qui tournoient en huis-clos. Mais quand Blier veut surprendre, désormais il ennuie, quand il veut amuser il dégoûte, et cette envie d’aller vers l’improbable le conduit le plus souvent à faire n’importe quoi. Expérience sur le non-sens comique et dramatique dans un théâtre du morbide, »Le bruit des glaçons » nous laisse en marge de sa mécanique mi-fabriquée mi-improvisée, en tout cas totalement tirée par les cheveux tant les obsessions cinématographiques de Blier ne peuvent désormais concerner que lui et ses secrets profonds.
Jean-Baptiste Doulcet
Le bruit des glaçons
Film français de Bertrand Blier
Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h27 min
Avec : Jean Dujardin, Albert Dupontel, Anne Alvaro…
Date de sortie cinéma : 25 Août 2010