Encore un film de prison, me direz-vous. Sauf que dans cette prison, le cinéma s’invite et s’égare, sans se soucier des barreaux, des issues ou des gardiens.« Les mains libres » est justement un faux film de prison dans la mesure où c’est le premier de cette longue série d’actualité qui ne joue pas sur le décor et sur l’exiguîté. L’approche de Brigitte Sy est justement d’en faire un lieu commun où se noue une multitude de possibilités cinématographiques, la fiction et la réalité, les vrais et les faux prisonniers, les acteurs et les détenus, la précision carcérale et la liberté de deux amants que rien empêche.
Avec une immense sensibilité, elle brode un fil ténu, celui de l’amour, pour créer une histoire bouleversante et subtile sur l’humanité et l’espoir. Dirigé de bout en bout avec sensualité par son actrice Ronit Elkabetz (projection directe de Brigitte Sy), le film tournoie et offre une plaine de sentiments exaltants parce qu’ils sonnent comme impossibles dans nos visions restreintes. Pourtant l’amour qui se lie entre Barbara et Michel semble naître d’une vérité formidablement retraduite dans des gros plans épieurs et justes. Carlo Brandt est saisissant de fragilité et d’imperfection dans l’ombre cassée de son personnage ; sa virilité brut s’accorde à merveille à la féminité sculpturale et érotique de Elkabetz. C’est un couple de cinéma d’une rare beauté, qu’on surprendrait réellement dans les rues, au quotidien.
« Les mains libres » même s’il aborde des sujets douloureux et qu’il demeure un film extrêmement personnel, parvient tout de même à créer une interactivité avec le public dans la manière dont il montre – toujours avec pudeur, comme un travail qui mûrit dans l’espace d’un théâtre – des prisonniers auxquels on donne la parole, l’expression intégrale. Et il émerge des voix une grâce soudaine, une force intérieure, comme une grande évasion rêvée. Quelques airs de jazz swinguent le film dans ses nuits expressionnistes et ses errances urbaines tout droit sorties d’une Nouvelle Vague réinventée »Les mains libres » est le film d’un apprentissage, d’un temps passé à écouter, à observer ; cela se sent dans la manière de Brigitte Sy qui, plutôt que de mélodramatiser, offre une vision à la fois douce et crue d’une tragique réalité. Un film utile et bouleversant.
Jean-Baptiste Doulcet
Les mains libres
Film français de Brigitte Sy
Genre : Drame
Durée : 1h40 min
Avec : Ronit Elkabetz, Carlo Brandt, Noémie Lvovsky…
Date de sortie cinéma : 16 Juin 2010