Elle ouvre une librairie à Chamonix, il ouvre des voies dans les plus hauts sommets des Alpes. Ils se rencontrent au milieu des livres, elle et ses désirs de cimes, lui et ses besoins de savoirs. Bras muscles et cerveau lettré décident de s’unir après des périples pédestres intenses et des discussions littéraires ardues. Mais la Love Story savoyarde, tout comme le film au même titre, va brutalement se transformer en décrochage inexorable sur pente devenue glissante…
Dès les premières pages de sa courte histoire d’amour montagnarde, Mégnin ose ce que le roman français essaie depuis pas mal d’années d’exorciser : le roman sentimental. A part quelques best-sellers pour vieilles gâteuses aficionadas de Barbara Cartland, les passions amoureuses, simples et fortes, ne sont pas vraiment tendance. D’où l’étonnement presque ironique de lire cette douce montée d’amour entre le Frison-Roche de Savoie et la passionnée de bouquins, une histoire tellement simple que même Claude Sautet n’aurait pas osé l’adapter en film. Mais Mégnin fait fi de ces obstacles et ose avancer bille en tête dans cette drague balisée, de la rencontre au désir, des hésitations jusqu’au mariage. Et même si la toute fin noircit l’idylle romantique, c’est de manière jusqu’au boutiste qu’il parvient à nous faire croire et aimer ce couple plutôt banal, qui, sans fièvre ni effusion, sans coup de sang et sans exaltation, ose s’aimer, vivre ensemble et se désunir. Et ce sans bruit, sans éclat, de la manière la plus belle mais aussi la plus dramatique : avec douceur, presque de la plénitude.
On reprochera évidemment à Mégnin une absence de style personnel, une relative neutralité dans la description de cette relation amoureuse. Mais ce vraisemblable connaisseur des montagnes et des randonnées sait comment arriver au sommet de son oeuvre : avec rythme, sans trépidation mais aussi sans ralentissement, maintenir le cap en oubliant les ravins latéraux, totalement serein et déterminé. La voie Marion est toute tracée. Pour une fois, n’évitez pas les sentiers battus…
Jean-François Lahorgue
La voie Marion, de Jean-Philippe Mégnin
Le Dilettante, 153 pages, 15 €¬
Date de parution : aout 2010.