Il est assez rare de tomber sur un roman de littérature hondurienne, d’ailleurs, Horacio Castellanos Moya a eu des difficultés à convaincre sa famille de le laisser suivre la voie de l’écriture dans un pays où elle n’existe pas. Bien heureusement, Horacio a persévéré et aujourd’hui, il nous livre un roman qui nous éclate en pleine figure.
Cette détonation on la doit à Doña Lena, bourgeoise nationaliste hondurienne et voix hystérique du récit. Lena ne supporte pas l’idée d’être trahie, selon elle, par sa fille Teti qui se marie à Clemente, salvadorien, communiste et divorcé. Nous sommes dès la première page envoyés au front d’un conflit familial absurde et dérangeant, à bout de nerfs Lena enferme Erasmo, son mari, dans les toilettes pour l’empêcher de se rendre au mariage de sa fille : » – Tu as perdu la tête. Comment a-t-il pu te venir à l’idée de m’enfermer ? Tu es complètement folle ! Ouvre la porte avant que les choses finissent mal, dit Erasmo en lui donnant un coup guère convaincant. » » – Tu me menaces ? » » – Je te dis d’ouvrir la porte idiote ! » » – Maintenant c’est toi qui insultes. Ce n’est pas moi qui te fais du mal. Je me défends. Et je te défends contre toi-même, bien que tu ne t.’en rendes pas compte. Tu m’en seras reconnaissant plus tard. Grâce à moi, tu ne seras pas ridicule et tu n’auras pas à gober ce mariage bidon, le caprice de cette petite sotte » » Cette femme déchainée et toxique pour son entourage est le reflet même des tensions politiques qui oeuvrent à l’extérieur entre le Honduras et le Salvador. Sa fille Teti ne pourra supporter la tyrannie de sa mère qui la hait et part s’installer avec son mari Clemente et son fils Eri au Salvador pour vivre sa vie de femme indépendante. Le mode de communication de Lena ne peut être que la violence, son fiel traduit son malaise face à l’insupportable réalité de son pays, sa famille de dirigeants ne contrôle plus rien, elle est dépassée et ne peut que déborder sur une folie haineuse et paranoîaque. La virulence de sa propre guerre interne illustre les atrocités de la guerre : » Hondurien, prends un rondin et tue un Salvadorien « .
Le roman évolue des années 1963 à la mort de Lena en 1992, il se découpe en trois parties partant d’une crise jusqu’à une fin triste mais apaisée. La première est à l’image d’une pièce de théâtre avec au centre Lena, la furie, et son portrait dessiné au fusain sombre, acide et tranchant. La deuxième est d’un genre épistolaire, elle décrit toujours l’intimité de la famille notamment celle du père et de sa fille séparés et pris tous deux dans le tourbillon de pays ennemis. Teti apporte de la douceur et de la candeur qui permettent au lecteur de reprendre son souffle après une première partie décapante. Teti écrit à son » petit papa » sa crainte de ne pas pouvoir protéger ses deux enfants, sa situation délicate de hondurienne vivant au Salvador, heureusement son père est là pour l’aider à surmonter ces épreuves alors que Lena continue à la conspuer par téléphone. Enfin la troisième partie est un monologue d’un domestique de la famille qui a pris soin de Doña Lena après la mort de son mari et maintenant qu’elle est gravement malade et affaiblie. Ce témoignage attriste, on assiste au constat d’une vie gâchée, d’une vieille femme seule et dont les biens vont être vendus car ni sa fille ni ses petits-fils ne veulent s’installer au Honduras dans cette maison au final peu familiale et perdue dans les montagnes. C.’est ainsi que s’achève le portrait de Lena, portrait qui porte les traits de destins tragiques dans un climat d’effondrement politique.
Caroline Rameau
Effondrement
Editeur : Les allusifs
212 pages – 16€¬
Paru le : 19/08/2010
Juste pour signaler qu’il y a une toute petite erreur au début de l’article, « Il est assez rare de tomber sur un roman… » et non pas « trouver sur ». Voilà :)
Bisous.
merci pour l’info, c’est corrigé.