Synopsis en une ligne : » C’est l’histoire d’un homme en chute libre « .
Promenade en marge des guides touristiques par le prisme de son personnage unique, Uxbal – l’excellent Javier Bardem – le réalisateur Alejandro Gonzales Inarritu nous fait traverser les dédales des rues d’un Barcelone souillé et les bas-fonds des clandestins sans cesse humiliés par une police corrompue.
Après Babel et 21 Grammes, films phares d’Inarritu où se mêlent confusément les vies pour trouver un point de chute commun, son nouveau long métrage Biutiful rompt avec cette tradition cinématographique qui était pourtant sa marque de fabrique. Pour cause, il s’est séparé de son scénariste des films précédents, Guillermo Arriaga. Son idée ? Tourner une histoire linéaire, avec un personnage unique, dans une seule ville, et dans sa propre langue. Du Inarritu sans destins croisés, c’est un peu une salle de cinéma sans spectateurs. Un ensemble vaste et vide où seules se perdent les ombres d’antan.
Pour meubler le tout, le réalisateur mexicain fait rôder la mort comme les charognes autour d’un cadavre. Thème éculé et sans cesse ressassé. » Tout cela est si lent, si lourd, si triste » pour paraphraser Louis-Ferdinand Céline.
Condamné par le cancer, Uxbal se perd dans le labyrinthe dangereux de la corruption et des petites magouilles jusqu’à trouver le chemin de la rédemption auprès de ses enfants. Parcours initiatique semé d’embûches en tout genre.
Biutiful est un film pour les bien-pensants de la gauche-caviar, frôlant à certains moments le pathétique. De l’excessif, en veux-tu ? En voilà ! Des vendeurs à la sauvette écrasés par des voitures de police, une trentaine de clandestins chinois jetés en pleine mer, un associé tué à bout portant. En fallait-il autant pour mettre en exergue la longue souffrance d’une maladie face à une mort instantanée ? Filmer les déboires d’un homme condamné par la maladie est un exercice difficile dans la mesure où tout devient flottant, empli d’incertitudes et d’angoisses. Cela se ressent, Inarritu filme d’une main tremblante et se perd dans son sujet.
En toile de fond, comme un décor mal monté, on voit poindre la peur de la paternité décuplée par une mère absente, à tout le moins dépassée par ses responsabilités. Mère prostituée, pour ajouter une pierre à l’édifice du Pathos. Le bureau des pleurs revisité. Un vaudeville tragique.
Au niveau des techniques cinématographiques, Inarritu ne fait pas preuve de grandes innovations, il se contente de reprendre les cas d’école. Des jeux de miroirs pour montrer la multiplicité et l’hétérogénéité des situations, des filtres bleus et rouges pour décrire une atmosphère pesante, oppressante, presque kafkaîenne sans en atteindre le génie. Aucun plan-séquence séduisant à relever, une recherche esthétique mineure. On souligne cependant une direction d’acteurs qui est remarquable : Javier Bardem, prix d’interprétation masculine à Cannes, nous offre un jeu doté d’une justesse et d’une authenticité implacable. A ses côtés, Maricel Alvarez signe son premier film avec une calligraphie inclinée vers une reconnaissance méritée.
Comme pour se parer d’une côte de maille inébranlable, Inarritu respecte les codes de la bienséance littéraire : le début rejoint la fin. La même séquence dans cette forêt enneigée où il revoit son père décédé.
Alors reprenons ce procédé littéraire : » c’est l’histoire d’un homme en chute libre « . Devinez lequel.
Tancrède Bonora
Biutiful
De Alejandro Gonzales Inarritu
Avec Javier Bardem, Maricel Alvarez …
Genre : Drame
Durée : 2h17
Sortie le 20 octobre