Cinéaste de la désillusion, Mahamat Saleh-Haroun est aujourd’hui l’un des rares représentants de la cinématographie tchadienne, que le festival de Cannes a eu la bonne idée de sélectionner cette année en compétition officielle.
Auréolé d’un Prix du jury symbolique qui confère une grande crédibilité à son exploitation en salles, »Un homme qui crie » renvoie directement à un art de la tragédie ancienne malgré son contexte actuel. L’engagement du cinéaste tient alors sur deux approches : la première est de montrer avec tristesse et pudeur les dégâts causés par la milice armée sur les civils tchadiens (en optant pour un point de vue original à partir de la traîtrise paternelle), et la seconde d’y opposer une esthétique étrangement anti-naturaliste. C’est peut-être la force première du film que de renoncer aux affects d’un style dénonciateur pour lui préférer une douceur poétique et intérieure qui prend vie dans le recul et la théâtralité des espaces.
La naîveté manichéenne du récit se devine alors plus comme une révolte noble qu’une critique lourdaude des systèmes d’enrôlement. La force picturale du film, même si elle prend souvent le dessus sur l’écriture trop théorique des sentiments, a pour force d’oser le rapprochement vers le conte moderne. Et si l’engagement évident de Saleh-Haroun se dilue parfois dans l’intimisme très prononcé de son langage, il se dégage de cette oeuvre l’émotion de la perte et du désenchantement ; au titre violent du film répond justement son contraire, le silence de la douleur, les cris sourds d’un père défait et honteux. Des plaintes et des gémissements plutôt que le bruit de la révolte.
Jean-Baptiste Doulcet
Un homme qui crie
Film tchadien de Mahamat Saleh-Haroun
Genre : Drame
Durée : 1h32min
Avec : Youssouf Djaoro, Diouc Koma, Djénéba Koné…
Date de sortie cinéma : 29 Septembre 2010