Sur un postulat de départ drôle et culotté, : une jeune femme extravertie et résolument de gauche met un point d’honneur à coucher avec des hommes de droite afin de les convertir, le réalisateur Michel Leclerc, accompagné de son épouse Baya Kasmi à l’écriture du scénario, signe une comédie douce-amère, à l’énergie revigorante, parsemée de trouvailles, capable d’aborder des sujets graves avec légèreté – ce qui est toujours la marque des grands auteurs. La mise en situation des deux personnages principaux se construit sur l’évocation parallèle de leur origine, leur enfance et leur parcours, en suggérant du coup que les apparences sont souvent trompeuses. Qui pourrait penser qu’Arthur Martin, un quinquagénaire chercheur un peu coincé, cache derrière son patronyme ridicule, prétexte aux pires calembours, des origines juives, des secrets de famille douloureux et toujours enfouis, ? Et le passé de la pasionaria dévoreuse d’hommes de droite, issue elle-même d’un mariage mixte, comporte ses zones d’ombre. C.’est tout le talent du metteur en scène d’évoquer par la marge, en finesse et avec un humour toujours délicat, jamais vulgaire, des sujets difficiles, : la déportation, les camps, le viol et le renoncement à une carrière, une vocation. Pleine d’énergie, dévastatrice comme un tsunami pour la vie calme et solitaire d’Arthur Martin, celle qui utilise son corps comme argument et outil de conviction se révèle une belle personne, enchaînant les mariages blancs pour des sans-papiers, arrêtant une rame de métro pour qu’un couple de vieillards grabataires puisse y monter, achetant quelques crustacés pour leur sauver la vie et les remettre à la mer. Une véritable tornade, parfois maladroite à force de vouloir trop bien faire, comme au cours d’un mémorable repas de famille où elle accumule les allusions langagières. Un repas qui se conclut par un cadeau pour le moins inattendu.
Le duo constitué par Jacques Gamblin, dépassé par les événements, et Sara Forestier, pétulante de vivacité, d’une nature fantasque et profondément humaniste, fonctionne à merveille dans ce joli film réellement engagé qui, mine de rien, en dit beaucoup sur notre époque et l’état du pays, sans jamais devenir démonstratif, optant au contraire pour un humour grinçant et des dialogues ciselés et mordants.
Patrick Braganti
Le Nom des gens
Comédie française de Michel Leclerc
Durée : 1h44
Sortie : 24 Novembre 2010
Avec Jacques Gamblin, Sara Forestier, Zinedine Soualem, …
La bande-annonce :