Biopic des derniers mois de la jeune existence du journaliste italien Giancarlo Siani assassiné en 1985 à l’âge de 26 ans par la Camorra pour avoir mis à jour les liens de corruption entre celle-ci et les politiciens locaux dans une bourgade près de Naples, Fortapà sc est un film globalement sans inventivité de mise en scène, peinant à trouver le souffle et le lyrisme inhérents à son sujet. A force de dessiner à gros traits le portrait d’un jeune homme tout à fait ordinaire, d’abord dépassé puis accaparé par les événements sur lesquels il enquête, le réalisateur Marco Risi, qui n’est autre que le fils de Dino (Parfum de femme, Les Nouveaux Monstres et Fantôme d’amour constituant les oeuvres émergentes d’une longue carrière), ne parvient pas à rendre crédible la vocation soudaine de ce grand adolescent, sorte de Tintin napolitain sympathique, mais sans relief. A l’inverse, les différents clans de la Camorra locale, qui s’entre-déchirent le pouvoir à coup d’éliminations brutales, apparaissent caricaturaux, joués par des comédiens donnant l’impression d’en faire des tonnes. La bêtise suintée par ces petits malfrats orgueilleux et vaniteux s’accorde au final assez mal avec leur sphère d’autorité despotique présumée. Autrement dit, compte tenu de l’image folklorique, à la violence, exagérée et complaisamment mise en scène, que le cinéaste donne des mafiosi, on finit par douter de leur capacité à exercer et conserver la mainmise sur la ville et ses édiles.
Alourdi d’une mièvre bluette (le journaliste et sa petite amie), Fortapà sc ne justifie en rien la convocation référentielle des figures tutélaires Francesco Rosi (Main basse sur la ville en 1963) ou, plus récemment, Matteo Garrone avec l’indépassable Gomorra. Au-delà de la médiocrité manifeste de l’ensemble, recyclant force clichés culturels nationaux (les plats de pâtes, la musique sirupeuse, la drague érigée en art de vivre) juxtaposés à un traitement appuyant avec excès sur la barbarie des truands, on retiendra avant tout l’aspect documentaire du film, exposant l’immobilisme des situations, pour ne pas dire leur aggravation endémique et leur pourrissement irréversible.
Patrick Braganti
Fortapà sc
Drame, biopic italien de Marco Risi
Durée : 1h48
Sortie : 5 Janvier 2011
Avec Libero De Rienzo, Valentina Lodovini, Michele Riondino,…
La bande-annonce :
Chronique un peu dure sur un film « sympathique » qui se réfère effectivement au cinéma des années 60-70 sans dépasser Rosi mais se rapprochant des bons petits films de Damiano Damiani. Mais ce n’est qu’un avis subjectif.
Là , où la chronique se trompe de manière objective, c’est sur la vision soit disant caricaturale des camorristes. Mais ces gens là sont comme ça. D’ailleurs dans Gomorra, ils sont montrés ni plus ni moins de la même manière. Je prends aussi comme exemple Toto Riina qui a dirigé d’une main de fer la mafia sicilienne pendant 40 ans et bien l’homme était d’une inculture absolue et analphabète ! Le film les montre tels qu’ils sont, on ne peut pas lui reprocher ce point.
C’est bien ça le problème : montrer les gens tels qu’ils sont, sous le prétexte fallacieux de scénario inspiré de faits réels. Mais ne devons-nous pas attendre du cinéma, et de l’art en général, que, s’emparant du réel, il en propose justement une vision personnelle et artistique, s’appropriant les typologies des personnages pour les dépasser ? Ce qui était la qualité majeure de Gomorra, que ce petit film mineur ne possède d’évidence pas. Mais au final c’est l’éternelle discussion mêlant fond et forme dans l’incapacité décevante de ne savoir les différencier.