Women Are Heroes constitue en fait l’orientation cinématographique du projet mené depuis 2008 par JR, , artiste et photographe français, qui a pour particularité, outre son désir d’anonymat revendiqué, d’utiliser la rue, et plus largement les espaces publics, comme lieu d’exposition de ses travaux, transformée en plus grande galerie d’art, gratuite et ouverte au plus grand nombre. Comme nous l’avions abordé récemment avec Faites le mur, !, l’art devient ici le vecteur de l’engagement de ses auteurs et refuse l’inscription dans la durée en interrogeant d’une part la place de l’artiste et d’autre part des notions comme la liberté et l’identité.
La démarche artistique de JR se singularise par la réalisation d’immenses portraits qu’il expose illégalement dans des endroits sensibles comme, par exemple, la zone de sécurité autour du mur qui sépare Palestiniens et Israéliens. Avec le programme devenu aujourd’hui un film, JR investit le champ international et sur les continents asiatique, africain et sud-américain se penche sur la condition des femmes, désignées comme les premières victimes des conflits ou des conditions de vie déplorables qui agitent des pays comme le Cambodge, le Kenya ou encore le Brésil. Outre les interviews des femmes que l’artiste prend en photo et expose à la vue de tous, le film met aussi en scène l’environnement des habitantes de manière souvent succincte et surtout captée de manière très agaçante, : les déambulations retranscrites en accéléré dans les favelas labyrinthiques finissent par donner le tournis et échouent surtout à en restituer le climat probablement anxiogène et misérable qui les caractérise.
A force de parcourir les nations et de saisir des instantanés, Women Are Heroes, dont on ne peut douter des bonnes intentions manifestes et du message qu’il entend délivrer, ne parvient pas à se départir d’une impression de superficialité et de facilité, non pas tant bien sûr dans l’organisation et la mise en place d’installations gigantesques requérant l’aide de nombreux collaborateurs plus ou moins anonymes que dans la banalité discursive, à laquelle il paraît impossible de ne pas souscrire. Nul doute du courage et de l’optimisme forcené de ces femmes modestes disséminées à travers l’hémisphère sud, vantant les mérites de l’éducation et de la culture mais ce qui retient davantage l’attention et distingue le film, c’est évidemment l’approche esthétique qu’il met en avant. La circulation des histoires personnelles souvent édifiantes et traumatisantes et donc leur partage avec les autres passent par le choix judicieux, apparemment incongru mais à coup sûr mûrement théorisé, du site d’exposition. Des arches d’un pont au toit d’un train, des murs en tôles des taudis brésiliens ou cambodgiens aux portières des voitures ou des bus, l’artiste JR qui flirte avec l’illégalité et la notion d’éphémère fait sans conteste preuve d’un authentique génie à †œ mettre en scène † ses réalisations, portraits déclinés à l’infini en noir et blanc de visages qui se résument à l’expression d’un regard exorbité. En conclusion, au-delà d’un discours convenu, suscitant aisément l’adhésion, c’est la démarche artistique, dans ce qu’elle dit de l’état du monde et des moyens qu’elle s’octroie à le montrer, qui retient l’attention.
Patrick Braganti
Women Are Heroes
Documentaire français de JR
Durée : 1h25
Sortie : 12 Janvier 2011
La bande-annonce :