Jewish Connection, le premier film de l’américain Kevin Asch, à la fois inspiré de faits réels et interférant d’évidence avec la culture juive du réalisateur, met en scène à la fin des années 90 à New York Sam Gold, fils aîné d’une famille ultra orthodoxe, qui après avoir été enrôlé par son voisin, le frère de son meilleur ami, participe au trafic à grande échelle de milliers de pilules d’ecstasy entre Amsterdam et sa ville. Garçon naîf et coincé, vivant sous l’autorité du père et dans le respect scrupuleux des rites hassidiques, il accepte cependant rapidement l’alléchante proposition, synonyme d’argent facile et d’émancipation, dont son intelligence innée lui fait saisir la véritable teneur avant de l’ébranler dans ses rapports avec la foi.
En effet, Jewish Connection est d’abord un film sur le tiraillement, et le déchirement : entre le bien et le mal, le pur et l’impur, le poids de la religion et la dénégation de celle-ci. Volontairement ramassé, tourné avec de faibles moyens, le film se singularise par son rythme qui élimine l’arrêt prolongé sur les personnages, y compris le principal, et qui crée aussi certaines ellipses (les allers-retours entre l’Amérique et l’Europe, le recrutement des autres jeunes juifs). Le réalisateur nous fait également entrer sans préliminaires ni difficultés dans la communauté de Sam et les siens dans cette banlieue pavillonnaire de Brooklyn, sans doute parce qu’il la connait bien lui-même. l’esthétique, en prise directe avec les rues et les quartiers de Big Apple, n’est pas sans rappeler celle prisée par le cinéma des années 70 (Martin Scorsese et Sydney Lumet en tête).
l’énergie communicatrice que dégage le film provient aussi de son interprète, la nouvelle valeur montante, : Jesse Eisenberg (la star de The Social Network). Aussi étrange que cela puisse paraître, le créateur du plus fameux des réseaux sociaux et le jeune hassidique devenu trafiquant ont beaucoup en commun, : le débit de leur élocution, leur intelligence vive et visionnaire doublée d’une réelle intuition et, bien sûr, le côté décalé. Maintenant reste à savoir s’il s’agit d’une coîncidence ou si le comédien porte en lui ces caractéristiques. Il n’empêche que le charme continue d’opérer et se transmet sans ombrages à tout le film, plaisant, enlevé et jamais manichéen. Une scène à elle seule suffit à décrire le rapport paradoxal et complexe qu’entretient Sam Gold avec ses croyances, : rencontrant un rabbin dans la rue lui rappelant la nécessité de prier, il se ceinture le bras selon la coutume avec la téfilah et la ressemblance est frappante dans la conviction du geste définitif avec la préparation au shoot d’héroîne.
La confrontation entre les principes religieux et l’univers de la criminalité sert donc de canevas à un long-métrage accrocheur et cadencé, en tenant jusqu’au bout le choix du point de vue de son protagoniste, oscillant entre deux mondes. Le manque ou le refus d’approfondissement nuit néanmoins à l’incarnation de son héros et annihile tout développement romanesque.
Patrick Braganti
Jewish Connection
Comédie dramatique américaine de Kevin Asch
Durée : 1h29
Sortie : 16 Février 2011
Avec Jesse Eisenberg, Justin Bartha, Ari Graynor,…
La bande-annonce :