Il y a 30 ans Wire révolutionnait la musique. Aujourd’hui les Anglais continuent et s’ils ne sont plus d’avant-garde, ils demeurent un bon groupe de suiveurs. Un fait d’autant plus appréciable qu’ils suivent en l’occurrence la musique qu’ils ont eux mêmes participé à créer. Respect !
Entre , des longues périodes de jachère et d’autres d’intenses créativités, Colin Newman et ses hommes (réduit à deux depuis le départ de Bruce Gilbert) ont finalement sorti onze albums dont la trilogie fondatrice (Pink Flag, Chairs Missing et 154). La liste des groupes se réclamant de Wire est ainsi longue comme le bras : citons, entre autres,, Elastica, Blur, The Rakes, Bloc Party, Fugazi »faisant des Anglais, l »un des groupes les plus influents du rock. à‡a c’est pour le passé et la légende mais quant est-il du présent de ce groupe de quinquagénaires bien tassés ?
Prolongement naturel de Sand (2008), Red Barked Tree pourra apparaître en premier lieu comme un peu sage et un poil désuet, sentiments, ressentis dès l’écoute en ouverture, du pop Please Take . Les Anglais nous ont habitués à des titres secs et mordants, à des expérimentations sonores et cette entame sonne comme un peu trop gentille. à‡a va, il n’y a, pas le feu au lac : , Wire n’est pas Keane non plus ! En tout cas, Please Take fixe d’emblée ce que sera le niveau du disque : un texte acide, un chant maîtrisé, une mélodie au dessus de la moyenne et dans le genre plutôt élégante avec un son chatoyant réverbéré qui n’est pas sans rappeler par exemple The Church. Le groupe s’inscrit ainsi dans la tradition d’une pop-rock tapissée de new wave ; pas franchement moderne mais pas non plus outrageusement passéiste et dès lors rédhibitoire. Il y a là une qualité standard certes mais qualité tout de même.
Ce disque, on va finir par l’aimer car par fulgurances, Red Barked Tree va monter en puissance, en densité et devenir plus rock. Dès, Now was, soit le deuxième morceau du disque, , le ton va monter d’un cran. Mais c’est à Two minutes de faire basculer le disque dans une autre dimension, le groupe retrouvant là le format court de ses débuts et un chant plus incisif.
Dès lors, Wire va rendre ses guitares supersoniques et ses basses sourdes reprenant le flambeau d’un post-punk version, 2.0. Sur Moreover, Wire assène ses coups ; sur Smash, il obtient le point (poing ?) gagnant d’un geste sec et puissant. Sur A flat, des claviers rajoutent encore une couche supplémentaire à l’intensité ambiante. Ce titre est un bon exemple de brûlot punk à la froideur clinique ; le genre d’antinomie dont les Anglais sont encore capables de réaliser.
En fin d’album, Wire s’en va proposer deux titres longs, preuve que le trio est aussi à l’aise dans l’exercice de morceaux atmosphériques au ciel néanmoins chargé et électrique. Avec Down to This et Red Barked Trees, Wire multiplie les couches sans boursouflure aucune, et distille en filigrane une mélancolie qui n’est pas plombante ; dans l’exercice Wire fait , mieux, , que, le Cure des années 2000 par exemple.
En résumé, on aurait pu craindre de voir les quinquagénaires de Wire jouer les jeunes rebelles, se caricaturant eux mêmes. On aurait pu redouter de les voir rentrés dans le rang proposant une brit-pop de consommation courante. Wire choisit le bon équilibre entre ces deux écueils possibles. Le trio maîtrise son art et cultive ce que l’on pourrait appeler »la force tranquille ». Ce qui est déjà en soi une victoire et donne un sacré bon disque.
Denis Zorgniotti
Label / Distributeur : Pink Flag / Differ-ant
Date de sortie : 17 janvier 2011