Originaire de Grenoble, lui-même membre de la communauté des Voyageurs, Teddy Lussi-Modeste réalise Jimmy Rivière, un premier film sur le tiraillement et l’indécision, la juxtaposition du sacré et du profane ainsi que la quête semée d’embûches d’un salut pour son héros éponyme, jeune Gitan, qui, pour pouvoir accéder à la conversion au pentecôtisme, doit renoncer aux deux passions de sa vie, : la boxe thaîe et Sonia.
Enfant du sérail, le cinéaste en herbe dépeint avec justesse et sans clichés la vie quotidienne et les rites (ceux des baptêmes par immersion totale du corps et des prêches hallucinés du pasteur) d’un groupe de gens du voyage, réunis autour de leurs caravanes dans une existence plus sédentaire que les croyances usuelles le laissent penser. l’unité de lieu, Grenoble et les hauteurs qui la cernent, renforce cette impression de sédentarité, qui contraste dès lors avec l’indétermination contre laquelle l’impétueux et sang bouillant Jimmy Rivière lutte. Un combat perdu d’avance lorsque l’entraineuse de boxe (Béatrice Dalle qui paraît évidente dans le rôle) lui propose de remonter sur le ring et que Sonia le trouble par sa présence incendiaire (Hafsia Herzi qui renoue enfin avec une interprétation digne de celle qui la révéla dans La Graine et le Mulet). Ce n’est sans doute pas un hasard que la tentation du pêché, illustré ici par la violence d’un sport et l’expression d’instincts sexuels, soit véhiculée par deux femmes au magnétisme physique indéniable. En face d’elles, le comédien Guillaume Gouix, vu récemment en policier secrètement gay dans Poupoupidou, crève l’écran par sa présence électrique et très fortement sexuée. Baigné d’une lumière solaire, le film expose et confronte d’abord les corps aussi bien à la salle d’entrainement et les vestiaires que dans une boite de nuit lors d’une discussion à quatre captée par une caméra mobile qui n’en finit pas d’enrober les personnages. Outre le ballet des enveloppes charnelles, le réalisateur développe aussi quelques scènes clefs à deux, : la semonce pleine de colère et de déception du pasteur (joué par le rare Serge Riaboukine) envers Jimmy, , tour à tour filmé dans l’ombre et en pleine lumière aveuglante, ; la confession douloureuse que livre sa soeur à un Jimmy mutique et bouleversé.
Cette première oeuvre est remplie de lyrisme, d’énergie et d’électricité. La chair y côtoie la spiritualité dans un mélange détonant que la mise en scène inspirée – c’est vrai qu’on pense à Maurice Pialat et Abdellatif Kechiche, mais aussi à André Téchiné pour la force des sentiments et l’ambiance solaire et lumineuse – fait mijoter et bouillir à chaque instant. C.’est du cinéma viscéral qui sent l’authentique et le vécu, et pourtant pas inspiré de faits réels, le désir de sortir des visions éculées, mais qui s’est également nourri des grands classiques du néoréalisme italien et de la mythologie américaine.
Patrick Braganti
Jimmy Rivière
Drame français de Teddy Lussi-Modeste
Durée : 1h30
Sortie : 9 Mars 2011
Avec Guillaume Gouix, Béatrice Dalle, Hafsia Herei, Serge Riaboukine,…
La bande-annonce :