À grands renforts d’interviews, et même d’un entretien croisé avec le britannique Ken Loach, qu’il tient pour un de ses modèles, le cinéaste français Cédric Klapisch dit avoir voulu signer avec son nouveau film Ma part du gâteau une comédie sociale, reflet d’une société actuelle, cynique et sans états d’âme, pourrie par le fric et l’avidité. Comme ressort de cette comédie, le réalisateur du Péril jeune utilise l’opposition de deux milieux en provoquant leur rencontre, pleine de rebondissements. Les deux milieux en question sont respectivement représentés par France (on ne s’étalera pas sur la symbolique du prénom), ouvrière licenciée reconvertie en femme de ménage et par Stéphane ( ou Steve quand il officie outre Manche), un trader sans scrupules.
Ce n’est pas le croisement de France et Steve, assez cousu de fil blanc et peu crédible, qui pose ici problème, tant il est vrai que forcer la marche du destin constitue une des recettes incontournables du genre. l’ennui provient davantage du fait que le manque de crédibilité s’étend jusqu’à la caractérisation des protagonistes. Malgré ses efforts et son jeu énergique proche de l’abattage, la comédienne Karin Viard ne réussit pas à faire croire à sa composition d’une ouvrière prête à (peu près) tout pour avoir, elle aussi, sa part du gâteau. Sa diction et son comportement dénotent largement vers une image, certes sympathique, mais irréelle et presque indécente, de la catégorie à laquelle elle est censée appartenir. Reste au mieux deux scènes drôles, : la simulation de l’accent russe et celle de l’apprentissage de l’anglais. La bonne volonté de l’actrice est néanmoins d’autant plus manifeste face à la fadeur de son vis-à -vis, : le terne Gilles Lellouche n’est, quant à lui, pas vraisemblable un seul instant dans ce rôle de financier célibataire, incapable de mener de front sa vie privée et professionnelle, démuni face à son fils, maladroit et goujat lorsqu’il emmène à Venise une jolie jeune femme.
Ma part du gâteau s’embourbe ainsi dans les clichés, la fainéantise d’un scénario éculé et le manque de rythme, inhérent pourtant à toute comédie digne de ce nom. La multiplication des digressions comme l’escapade vénitienne ou le séjour londonien prouve l’impossibilité du cinéaste à traiter son sujet et à rester concentré sur la relation entre la femme de ménage et le trader, dont on ne mesure jamais l’évolution. Celui qui s’est avéré plus à l’aise dans la captation des modes de vie de la jeunesse citadine et estudiantine, cosmopolite et branchée, échoue lamentablement, malgré des bonnes intentions louables, à insuffler le moindre accent de véracité, ni d’ailleurs le moindre souffle, à une comédie insipide et dépourvue de charme. On constate d’ailleurs combien Cédric Klapisch se montre plus à son avantage à filmer une fête chic ou un concert de hip-hop, autant de moments parés d’un habillage musical adéquat. Ce qui confirme ce que nous pressentions depuis longtemps, : le réalisateur des Poupées russes est d’abord celui de la superficialité, pour ne pas dire de la vacuité. Quand elles sont uniquement légères et n’ambitionnent pas de délivrer un message politique ou sociologique, ses comédies à la mode et dans l’air du temps se laissent regarder avec plaisir. Il en va hélas tout autrement lorsque le cinéaste se pique de vouloir faire sens, surtout en livrant un film paresseux, accumulant poncifs et lieux communs, trop rarement amusant et trop fréquemment pesant.
Patrick Braganti
Ma part du gâteau
Comédie dramatique de Cédric Klapisch
Durée : 1h49
Sortie : 16 Mars 2011
Avec Karin Viard, Gilles Lellouche, Audrey Lamy,…
La bande-annonce :