14 avril 1957. Françoise Sagan, 22 ans, est victime d’un grave accident de voiture. Pour calmer les douleurs dues à de multiples fractures, les médecins lui administrent un succédané de morphine, le Palfium 875, qui, au lieu de la soulager, la conduit tout droit en cure de désintoxication. De ce séjour imposé, elle en tire un journal, « Toxique » publié pour la première fois en 1964.
Quarante-cinq ans après, la réédition illustrée par des dessins de Bernard Buffet, offre une nouvelle occasion d’approcher la jeune écrivaine, alors face à sa souffrance et à sa propre existence, comme elle ne l’a peut-être jamais été : « Il y avait longtemps que je n’avais pas vécu avec moi-moi-même. C.’est d’un effet curieux. Il y a cinq ou six personnes avec lesquelles j’aimerais mieux passer mon temps, je l’avoue, et cela donne une sorte de condescendance à mes propres rapports » confie-t-elle au lecteur. Car plus que la douleur physique ou la déchéance, c’est la solitude à laquelle la renvoie son état qu’elle craint et rejette par-dessus tout : « Quand on n’a plus personne à embrasser, et que la solitude équivaut à un travail que personne ne vous demande plus, la vie doit être triste ». Alors, comme pour combler ces instants de vide et de silence, les folies et compagnons des nuits et petits matins passés, lui reviennent en mémoire : Paris, l’escalier du Jimmy.’s, le vin rouge en hiver et le blanc glacé en été. Et la littérature envers et contre tout, seule source, selon elle, de bonheur personnel, « en dehors des autres êtres et des quelques moments d’exaltation et de bien-être physique que la nature procure ». Chateaubriand, Apollinaire, Rimbaud ou Proust arrachent, comme ils l’ont toujours fait, la jeune Françoise Sagan à l’ennui de ses journées et, comme elle le dit dans les dernières lignes, à l’idée de sa propre mort qu’elle pourrait provoquer, tant elle ne peut se résoudre à tricher avec son corps et sa propre vie. C.’est cette Françoise Sagan qu’il est bon de retrouver aujourd’hui, celle qui n’a cessé d’échapper, tel un feu d’artifice, aux médiocrités et conventions imposées par l’existence.
Virginie Chapelain
Toxique, de Françoise Sagan
Editions Stock
76 pages – 15 €¬
Parution : octobre 2009