Voilà une entreprise musicale qui me tarabuste. l’album qui est sans doute revenu le plus souvent dans mon lecteur ces derniers temps. Avec au bout du compte un constat majeur : il m’est impossible de savoir si j’aime ou pas, si c’est neuf ou pas, si « ça le fait » ou pas. Mais putain quel disque !
Kiksédon ? ais-je commencé par me dire, en voyant sur internet la tête chevelue du bonhomme qui se cache derrière Twin Shadow. l’artiste est né en République Dominicaine, où la radio constitue sa principale école musicale, et émigre en Floride pour y passer sa jeunesse avant de tourner en Europe au hasard de la vie. Est-ce son origine, son déracinement ou son apprentissage des codes de la musique, toujours est-il que le bonhomme semble avoir compris, assimilé et surkiffé les années 80 dont il n’a du connaître vu l’âge que l’ultime partie. Un nouveau venu donc. Pas embarrassé par le poids des années ni par les références dans lesquelles il a envie de donner un grand coup de pieds.
Musicalement l’analyse se complique. Pour faire simple, j’ai envie de comparer l’album de Twin Shadow a une diaspora culturelle. La première génération de déracinés conserve en général ses us et coutumes du pays d’origine, les générations suivantes les utilisent plutôt comme des habitudes et des racines qui non seulement forgent leur identité, mais se marient aux habitudes du lieu et du temps où ils ont élu domicile. Parfois tout en richesse et simplicité, parfois avec plus de points de frottements. C.’est exactement ce que j’ai ressenti à l’écoute de Forget. Comme une seconde génération de migrant musical, qui aurait fait sien les Smiths, Bowie, Kraftwerk et Depeche Mode des ainés tout en ayant à soi une jeunesse musical où faire feu de tout bois n’est pas une tare et où l’ordinateur joue une place prépondérante.
Twin Shadow chante donc un peu atone, voix blanche comme celle de Moz sur des titres qui ne dépareilleraient pas musicalement en face B de China Girl de Bowie. Oui mais pas que. Quand il aborde son versant plus pop, c’est une pop de lads, très Smithienne qui apparait, rehaussée de bleeps et beeps qui aèrent un peu l’ensemble et l’empêche de verser du côté obscur. Qu.’il cède à l’électronique, et c’est au Speak and Spell de Depeche Mode que je songe. Qu.’il pousse un peu son organe et c’est à la préhistoire de la britpop que je songe, quand Jarvis Cocker égrainait les Separations avec Pulp.
l’ensemble groove efficacement, mais jamais pourtant on ne songerait à placer Twin Shadow du côté des artistes de dance, quand pourtant plus d’un titre donnent envie d’aller se trémousser sur la piste. Des titres qui d’ailleurs s’ils étaient un poil plus kitsch (mais non jamais Twin Shadow ne tombe dans la mimique) feraient songer à Aeroplane pour la récupération maline et jusqu’ici assez inédite de son de clavier avec delay ou de gimmicks électronique en couloir spatio temporel avec les années 80 et que jusqu’ici le petit monde de la musique de recyclage avait du juger trop osé pour un retour dans en 2011.
Twin Shadow ose et réussit. Ce gars, appliqué à la mode, arriverait à remettre la veste en jean sans manche et le bandana au poignet à la mode. Juste en décalant la manière de le porter ou l’accessoire avec lequel il l’assortit.
La plupart des titres ont un potentiel tubesque important. Mais pas toujours en radio, car beaucoup manquent aussi un peu de cette immédiateté chère à la bande FM. Forget ne se livre sans doute pas directement à la première écoute. Mais pour peu que tu sois né quelque part dans les années 70, et que tu aies sauté partout sur le shout de tears for fears tout en ayant révéré les icônes des 10 années synthétiques post punk »tu te retrouves comme moi fasciné par cet objet discographique dont tu es bien en peine de dire si tu as face à toi un copiste génial, une éponge sélective ou un réel élan musical moderne. Un forget que tu ne parviens pourtant pas à oublier et que tu te repasses souvent, avec le secret espoir de chroniqueur monomaniaque, d’arriver à le ranger dans un des petits tiroirs de tes classifications sempiternelles. Un disque dont le plaisir d’écoute, sorte d’attrait drogué, croît à chaque écoute. Mais mais »n’est-ce pas aussi la définition d’un grand disque ?
Denis Verloes
Date de sortie: 28/09/2010
Label: 4AD / Beggars / Naîve
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