35 ans que Monsieur traîne ses mélopées douces ou ses fulgurances rock sans connaître le grand succès mérité. Pourtant, et ce dernier Brussld en forme de best-of caché le prouve, Arno compte parmi les plus beaux poètes alcooliques de la musique francophone, jusqu’à être comparé à juste titre à un Tom Waits belge. Ces derniers temps, l’énergie rock un poil graisseuse semblait s’être emparée de lui, affadissant les derniers albums mais ici, on trouve en bon contrepoint de parfaites balades bouleversantes comme mademoiselle ou quelqu’un a touché ma femme. C’est dans ces moments-là qu’il demeure un interprète incroyable, capable à la seule force de sa voix accompagnée d’un piano malingre, de nous briser le coeur. Et dans d’autres moments, comme ses multiples reprises au bord du coma éthylique, il est également bouleversant, même si ici son get up stand up nonchalant emprunté à Bob Marley ne convainc pas. Ce n’est pas une raison pour bouder un vrai plaisir : retrouver notre Belge préféré au top de sa…ahem….forme ! (4.0)
(Naîve – 2010)
Troisième album pour ce Français qui se réclame de Daho, Gainsbourg, Bashung, bref tout ce qu’on peut compter de pop-rock de qualité dans l’Hexagone. D’ailleurs, c’est le morceau Ta peau… (qui ouvre l’album) qui avait été au départ composé pour figurer dans Bleu Pétrole de ce dernier. Très bel objet musical, très orchestré, où le chanteur déploie une jolie maîtrise de composition, qui ne va d’ailleurs pas trop faiblir le long des chansons qui s’égrènent à l’écoute de Fer Rouge. Alors, pourquoi cet album ne m’a pas touché ? Parce que depuis ses débuts, il se dégage de la musique de Joseph d’Anvers une froideur, un détachement qui évitent à ses créations d’atteindre une émotion très présente chez ses comparses. De la belle ouvrage mais exécutée avec distanciation et peut-être trop d’ambition »Fer Rouge » ne déroge pas à cette règle, album qui avait pourtant tout pour me plaire… (2.0)
(Atmosphériques – 2010)
Pascal Comelade – Psicotic MusicHall
C’est peut-être l’occasion ou jamais – pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore – de se plonger dans l’oeuvre du catalan Comelade : réédition luxueuse d’un album marquant de 2005, Psicotic Musichall est agrémenté d’un live magnifique avec le Bel Quanto Orchestra qui accompagne le musicien multi-tâches dans ses comptines déglinguées. Depuis 1975 et pas loin d’une cinquantaine d’albums, Pascal Comelade ne change jamais son fusil d’épaule, et même si certains peuvent lui critiquer cette constance dans le »genre comeladien » force est de constater que l’univers de ce maître émeut, enivre, reconnaissable entre mille, où instruments de musique pour enfants – toy piano, xylophone, triangle – s’enlacent généreusement dans des valses improbables, des tangos rétros, des rock’n’rolls patraques et dans des nombreuses reprises de grands standards passés à la moulinette d’un orchestre de bal foldingue et émouvant. Toujours resté trop confidentiel, il serait bon que Pascal Comelade connaisse enfin un succès à la hauteur de son talent intransigeant et loin des tumultes des buzz…(4.5)
(Because Music – 2011 réed.)
Les Têtes Raides – L’an demain
On avait un peu perdu les Têtes Raides, partis quelque peu en vrille sur des albums rock lourdingues et très engagés politiquement, des albums rageurs, brouillons et fatigants. Une oreille rapide sur ce dernier opus nous soulage. Christian Olivier impose sa voix rocailleuse sur un texte d’une belle poésie. De Brel, à qui il a été souvent comparé, on passe presque à Léo Ferré, autre poète rageur et désespéré. Mais pas trop de larmes chez les Têtes Raides, toujours vigilants sur l’actualité, mais dont le souci ici est de transmettre ce qu’ils savent faire de mieux : des chansons intelligentes sur des sons tantôt sautillants, tantôt intimistes, capables de rassasier le punk écroché vif, le nomade adepte de musique de rue comme les gens posés mais engagés. On trouve également un beau duo avec Jeanne Moreau, et un magnifique ultime morceau je voudrais texte entendu dans le courrier des auditeurs de Daniel Mermet sur France Inter. Plus posées, toujours engagées, toujours indispensables, ces têtes chercheuses… (4.0)
(Tôt ou tard – 2011)
Deuxième album pour celui qu’on peut d’ores et déjà considérer comme le renouveau non négligeable de la pop française. Aucun mal ne vous sera fait posait déjà de sérieuses billes sur le jeune dandy au phrasé négligé, aux phrases qui percutent et à la musique sophistiquée et arrangée à la manière des meilleurs Manset, Christophe ou Serge Gainsbourg. Mais un poil trop précieux, à l’instar d’un Arnaud Fleurent-Didier avec qui on le rapprochait. Parce qu’il fallait bien essayer de le rapprocher de quelqu’un, trublion qu’il était à vouloir orchestrer ses dires quand tout le monde racontait son quotidien pas folichon à la guitare sèche ou avec du matériel pim-pam-poum-tsoin-tsoin – suivez mes regards…
Désormais, c’est avec des touches un peu plus cool tendance électro (F.BI.) ou lorgnant carrément vers le prog ou la brit-pop qu’Alister ose cette ambitieuse même si évidente Double détente. Y’a toujours du Gainsbourg par endroits (room service, ) mais on sent aussi la patte de Bowie, lou Reed du côté anglo-saxon, et Tellier ou Air pour la French Touch à laquelle il rend légèrement hommage. Sans oublier Bashung, Nino Ferrer, Sheller, Chedid, Chamfort, tout ce que les 70’s ou 80’s ont donné de meilleur sur l’Hexagone. Beaucoup de références certes, mais c’est tellement bien ingurgité qu’il en ressort du coup un disque homogène, d’ambiance, où l’ironie des paroles le dispute aux morceaux chiadés et faussement légers.
Un classieux virage pour Alister, donc. Docteur , Je vous promets ou Drame chez les riches, drôles et d’apparence simple, imposent leur évidente mélodie, La femme parfaite et Tu peux dormir ici affichent une belle maturité, au milieu de pauses LOL croquignolettes comme Supermarché. Album complet, pop à tous les étages, talent partout.
» Je ne fais rien, mais je le fais bien » Modeste, avec ça. (4,5)
(Barclay – 2011)
Démarrer un disque de Medi, même si la pochette évoque un Christ perdu sur la route 66 pour une pub Levi’s, c’est obligatoirement comparer sa musique et surtout sa voix à un Lenny Kravitz d’ici-bas. Et pas facile de décrocher de cette impression, même si Medi essaie de rappeler à nous les fantômes glorieux de la soul et du rock américains des années 60 et 70. Trop tard, le mal est fait.
Pourtant, j’aimerais bien l’aimer, ce mec : production chaude et cuivrée, les claviers s’éclatent, les basses ronflent, les grattes sont joyeuses, la batterie ronronne, tout va bien sous le soleil californien d’un Français qui se plaît à reproduire tous les disques qu’il aime – et que nous aimons, forcément.
Mais comme son ami Charlie Winston, qu’il a suivi en tant que batteur sur pas mal de tournées, il veut trop bien faire pour emporter l’adhésion – oui, je sais, je suis jamais content…l’album coule, comme du miel dans les oreilles, mais ce miel qui très vite paraît un peu écoeurant, un peu indigeste, qui décide vite à goûter à quelque chose de plus sec, moins sucré, moins agréable peut-être, mais qui ravive un peu nos sens. Désolé Medi, malgré la belle ouvrage, ce sera sans moi. (2)
(Atmosphériques – 2011)
Ah, mister Doré, mister nouvelle Star, Mister ex-Louise Bourgoin, Mister-Fan-de-Jean-D’Ormesson…toujours difficile de séparer le lard du cochon. Coqueluche hype dont il profite pas mal, imposant un relatif nonsense à son oeuvre, comme un Philippe Katerine en moins barré, Doré fait malgré tout de la musique, qu’on se le dise. Déjà dans son premier album, quelques morceaux de pop doucereuse rendaient compte que le bonhomme pouvait maîtriser un talent à composer de belles chansons. Ici, l’impression est la même, sauf le son, un peu rêche, un peu désagréable aussi, comme si Doré voulait complètement s’échapper de ce rôle de chanteur à midinettes qu’il n’a jamais voulu être mais que l’émission qui l’a fait connaître lui a fait endosser malgré lui. Pourtant, Bichon ne fait que parler d’amour, de manière poétique » promets-moi pour demain la plus belle des moissons » comme crue » jamais je ne te baiserai le matin « . merci à Dominique A, Arman Méliès, The Shoes pour les diverses collaborations d’un album finalement romantique ET radical, qui ne fera changer d’avis personne sur le cas Doré, mais qui au moins fera encore et toujours débat. C’est déjà ça. (3)
(Columbia – 2011)