Pour son troisième album, Watine retrouve Nicolas Boscovic, son producteur visionnaire. Au programme, écriture musicale fine et sensible pour un album qui ouvre une fenêtre sur l’imaginaire.
On commence à bien connaître Catherine, Watine. Cela fait quelques années que la dame, en dehors des modes crée un chemin personnel entre musique électroacoustique, pop de chambre et amour de la musique française de Ravel et de Fauré. On l’a désormais compris, il est totalement inutile de déterminer dans quel genre se situe, Watine qui a choisi de transcender sa formation classique pour créer un univers hybride à la richesse insoupçonnée d’une forêt vierge. Mais force est de constater qu’à l’époque de B-SIDE Life son deuxième album, la musicienne fit une rencontre déterminante en la personne de Nicolas Boscovic : un talentueux réalisateur à l’ambition et aux idées aussi larges que celles de Watine elle même ; une personnalité clair-obscur pour ce qui peut-être un des secrets les mieux gardés du paysage musical français. Un palier avait été nettement alors franchi (le premier album, Dermaphrodite n’était qu’une promesse) et ce nouvel opus, non content de consolider les acquis, décide d’explorer quelques nouveaux sentiers biscornues mais merveilleux, au sens premier du terme.
C’est vrai qu’il n’est pas facile de suivre, Watine, sa voix de conteuse et ses textes littéraires , : une présence et des mots qui obligent la musique à prendre des détours, des échappatoires et des chemins de traverse pour se mettre au diapason de son interprète. Ici, pas ou peu de structure , « couplet-refrain-couplet » mais plutôt des figures libres. Pourtant, la musique ne joue pas le simple rôle d’accompagnement ; bien au contraire, elle participe à créer véritablement un univers onirique et une dramaturgie de conte avec ses cordes et ses habillages électroniques miniatures qui recréent matières et textures. Autre ami incontournable, le piano cher à Watine ; celui par qui tout commence, que ce soit au moment de la composition qu’à celui plus ancien de la genèse même de la passion étroite que l’interprète entretient avec la musique. Sur, Still grounds for love, il y a aussi un clavecin malicieux sur quelques morceaux et même un mellotron (ou en tout cas un son de mellotron) sur le dernier Grounds for love au psychédélisme évanescent et, Air-ien. Mais malgré cela,, Watine reste une femme-piano qui, aidé par Nicolas Boscovic, a trouvé le moyen de faire entrer sa musique dans une nouvelle dimension avec des arrangements classieux.
Comme sur le précédent, B-SIDE life, on pourra évoquer, Tim Burton pour essayer de décrire la mélancolie poétique et funèbre qui traverse le disque. Sailors nous laisse ainsi profondément ému avec cette musique et ce marin filant inéluctablement sur une mer d’huile, comme dans une valse, à la recherche de sa Pandora., Strong inside rappellera la profonde sensibilité d’un, Ennio Morricone années 60. Comme la visite d’un grenier où l’on retrouve les jouets de son enfance, The Strings of my fate émerveille et rend nostalgique, un sentiment qui avec Watine ne sent pas la poussière. The Story of that girl porte en lui la tragédie d’une, murder ballad de Nick Cave pour un beau moment entre folk crépusculaire, pop lumineuse et rock tendu ; le morceau arrive ainsi à concilier l’impossible.
Sur, Still grounds for love, quelques moments plus légers et moins mélancoliques viennent illuminer (ou »enluminer ») la musique., Porté par un clavecin baroque, Books & Lovers est un, morceau d’une gaieté enivrante, un titre brodé dans la dentelle pop en réponse à , The Books lovers de, Divine Comedy. Architect évoquera un Cure décomplexé et ludique pour un moment de pure acrobatie mélodique., Connected queen traverse le miroir pour vous faire entrer dans le monde de Cendrillon par des entrechats délicats mais ici l’entrain primesautier est sans cesse menacé par un ciel d’orage. Ambivalence quand tu nous tiens !
Véritable travail d’orfèvre,, Still grounds for love est une nouvelle réussite de, son auteur. Un nouveau livre d’histoires émouvantes et merveilleuses qui sait aussi être intimiste (Le cours de ma vie, le plus Ravel-ien des morceaux). Dans Architect, Watine dit en français : »non, je ne regrette rien« . Pour ce disque, on lui donne entièrement raison.
Denis Zorgniotti
Date de sortie : 11 avril 2011
Label / Distributeur : Catgang / La Baleine