Mr. Nice s’ajoute à la déjà longue liste des films tirés de faits réels et autres biopics mettant en scène des personnages ayant réellement existé. Outre le manque d’imagination qu’elle révèle chez les scénaristes, cette habitude envahissante s’accompagne rarement d’un traitement formel suffisamment intéressant pour qu’il fasse oublier la pauvreté de l’inspiration. En effet, la plupart des biographies filmées témoignent d’un cinéma souvent académique, plus prompt à s’attacher aux détails croustillants d’une reconstitution d’époque qu’à offrir un point de vue tant soit peu insolite sur le parcours de la personnalité en question. Ainsi le sympathique mais dispensable opus de Bernard Rose n’échappe t-il pas à cette règle commune d’un spectacle avant tout divertissant, que la bande-son concoctée aux petits oignons par Philip Glass et l’évocation charmante des années 70 (la fameuse décennie de l’insouciance et de la contestation sous fond de sexe, drogues et rock and roll) contribuent largement à rendre comestible, mais du coup aussi rapidement digéré.
Pourtant Howard Marks, patronyme d’origine de celui qui allait se rebaptiser Mr. Nice, est loin d’être un personnage sans intérêt. Élève surdoué né au milieu des cités minières du Pays de Galles, il intègre la prestigieuse université d’Oxford où, naîf et mal dégrossi, il découvre les plaisirs insoupçonnés de la marijuana. Épris de liberté, avide de sensations et d’expériences interdites, le jeune diplômé choisit la voie de l’illégalité en devenant trafiquant de drogue. Le film narre par le menu son irrésistible ascension qui le voit aller du Pakistan en Irlande, où il s’adjoint la complicité d’un membre plutôt déjanté de l’IRA, un hurluberlu paranoîaque et amateur compulsif de pornographie. C.’est en développant son juteux business du côté de l’Amérique que le fringant Howard va chuter, provoquant du coup la destruction de la cellule familiale (sa femme et ses quatre enfants).
l’impression ressentie à la vision de Mr. Nice est mitigée. D.’une part, Howard Marks est attachant, sans prétention, et son goût de la transgression perpétrée dans un univers de jolies filles, d’argent facile et de flots ininterrompus de drogues est assez incorrect pour qu’il soit jouissif. D.’autre part, le film apparaît souffrir de ses longueurs, et donc d’un manque de rythme malgré la multiplication des lieux, des personnages secondaires et des rebondissements de l’histoire. Il élude ainsi dans une ellipse regrettable la métamorphose du provincial un peu coincé, pas encore au fait des nouvelles coutumes débridées de la jeunesse anglaise, en pièce centrale du trafic de marijuana. l’ambiance loufoque, où la désorganisation et l’improvisation semblent régner, fait place peu à peu à une gravité trop appuyée, les années d’enfermement marquées par la déchéance physique et l’insupportable éloignement de la famille. En reprenant enfin le dessus grâce à l’aide qu’il fournit aux prisonniers moins futés que lui, car Marks est redoutablement malin et intelligent, il finit par obtenir sa remise en liberté qu’il met à profit pour se consacrer désormais à la promotion de la légalisation du cannabis. Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes puisque c’est son commerce frauduleux et largement bénéfique qui a longtemps fourni à Mr. Nice les moyens de son existence dorée et dilettante.
Comme ce fut le cas avec Good Morning England, le charme naît principalement du rappel nostalgique d’une époque qui, vue d’aujourd’hui, paraît nettement plus excitante et porteuse d’avenir et de possibilités, d’autant plus lorsqu’elle est incarnée par un grand escogriffe, plus ou moins ressemblant de Paul McCartney, beau gosse pas très regardant sur l’usage et l’interprétation de la morale en cours. l’acteur Rhys Ifans impose son énergie et sa décontraction à un film cool et sympa. Rien de plus en définitive.
Patrick Braganti
Mr. Nice
Comédie britannique de Bernard Rose
Durée : 2h01
Sortie : 13 Avril 2011
Avec Rhys Ifans, Chloë Sevigny, David Thewlis,…
La bande-annonce :