2011 sera d’ores et déjà une grande année musicale car elle aura vu le retour de Arca pour un quatrième album et en cadeau bonus, le premier effort solo de Joan Cambon, un des deux membres du duo, surprise que l’on n’attendait pas et qui rend doublement heureux. En espérant que cette joie soit la plus largement diffusée et partagée.
Composé de Joan Cambon et de Sylvain Chauveau, Arca continue son petit bonhomme de chemin, suivi par une poignée de fans emballés par la musique du duo mais ignoré de la majorité. Tant pis pour elle, !
Sous forme de diptyque avec By the window d’un côté et By, the looking-glass de l’autre, ce quatrième album, est une nouvelle preuve, du talent indéniable des Français et pourrait , apparaître également comme un bon, résumé, des différents aspects des, précédents disques d’Arca et même, de Sylvain Chauveau en solo. A telle enseigne que l’on pourrait conseiller aux néophytes d’Arca de commencer par cet album pour entrer dans la discographie du duo. Sur By, on retrouve ainsi les constructions musicales savamment mises en place, spécialité du, groupe depuis ses débuts (Cinématique en 2001). On retrouve aussi à un moment clef du disque, un sample sonore, le genre , qui a fait aussi la personnalité, du groupe, sur ses deux premiers albums (on se souvient notamment d’extraits de journaux télévisés sur Endormir les hommes ou de la voix d’un personnage de Tarkovsky sur L’Organisation). By the Window est aussi en grande partie chanté par Sylvain Chauveau en droite ligne du disque précédent du duo On ne distinguait plus les têtes qui avait marqué une étape dans la vie d’Arca (plus de chant et moins de samples). Fortement marqué par Depeche Mode, Sylvain Chauveau avait repris goût au chant en reprenant quelques titres du groupe anglais, sur tout son album hommage, , Down to the bone. Or, dans la partie By the Window, on retrouve aussi, outre le timbre proche de Gahan du Français, quelques mélodies qui n’auraient pas dépareillé sur un disque de Depeche Mode.
Séparé en deux parties distinctes, musicalement différentes mais enregistrées au même moment, le diptyque By the Window/ By the looking-glass a en fait été crée pour Arrêt de jeu. Ce spectacle chorégraphique mis en scène en 2006, par Pierre Rigal avait pour but de faire revivre émotionnellement par la musique et la danse, le fameux, France-RFA de Séville, en 1982. Faisant désormais partie de la mythologie cathodique et, entré dans la mémoire collective comme une vraie, tragédie du spectacle, ce match sert de toile de fond à l’album et permet de rajouter à priori une dose supplémentaire d’émotion à une musique déjà à fleur de peau. C’est surtout vrai sur, le morceau-phare du disque, Sevilla 82, qui sert de césure entre les deux parties du disque. Arca y sample des moments clefs du commentaire du match pour effectivement dessiner un morceau tragique à la montée en intensité impressionnante et bouleversante. Ce morceau de 14′ dépasse encore, en force émotionnelle Nyodene D (sur Angles en 2003) qui semblait pourtant indépassable. Arca a l’art de choisir parfaitement ses sons pour leur beauté intrinsèque, de lancer des pistes et d’éveiller les sens. Sur des bases répétitives faîtes de boucles qui encerclent et envoûtent (avec ici une prédilection pour des sonorités rondes et chaudes de marimbas), le groupe, tisse patiemment un écheveau qui, petit à petit et tout en nuances, compose une oeuvre majeure. C’est valable pour By The Window, en amont du sommet Sevilla 82,, soit la partie la plus »pop » avec ses mélodies Depeche Modienne traitées à la manière d’un groupe de post-rock. C’est valable aussi pour la partie, By the looking-glass, en aval,, où le groupe se débarrasse de toute narration, devient abstrait et fait varier la modulation de motifs ambiants dont la répétition crée scintillement et persistance auditive. Dès lors Arca se rapproche de Steve Reich, ce qui était déjà le cas dans la première partie du disque : ce n’en était que le fond, c’en est devenu la substance. Cela pourrait paraître ennuyeux mais c’est juste reposant et touchant dans son côté Less is More ; si tant est qu’on accepte de se laisser porter.
By est donc composé de deux parties, différentes mais complémentaires, qui font un seul disque unifié par le mixage de John McEntire de Tortoise, choix évident quand on façonne pareille musique.
Que dire de plus, ! Achetez-le et faîtes grossir un peu plus le nombre des fans déjà tout dévolus à la cause Arca.
Denis Zorgniotti
Date de sortie : 11 février 2011
Label / Distributeur : Novel Sounds / Differ-ant
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sevilla 82 par arca-official
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Dans sa grande humilité et par sans doute souci de justice, Sylvain Chauveau a toujours reconnu l’importance majeure de Joan Cambon dans la naissance de la, musique chez Arca. Il était donc normal que ce dernier se lance à un moment ou à un autre dans un projet solo. Face au prolifique Chauveau, on est presque surpris que Cambon ait attendu 2011 pour se lancer. C’est donc chose faîte et on n’est pas déçus. Sans Objet est une vraie prouesse technique doublée d’un musique étonnamment personnelle.
Le catalyseur de l’histoire – car il y en a un, c’est là encore le projet artistique d’un autre : soit Aurélien Bory et son spectacle de danse , Sans objet pour un robot et deux acteurs. Joan Cambon se met au service d’un autre et accouche d’une oeuvre à la limite de la musique contemporaine dans son minimalisme de traitement. Autant bassiste qu’électronicien, le musicien choisit d’utiliser exclusivement des sonorités issues de sa basse pour composer la musique de son disque. La contrainte est de taille et le résultat bluffant : on imaginerait parfois entendre des nappes de claviers, des programmations electronicas, , des guitares, des flûtes mais non, tout vient d’une basse dont la prise de son peut être directe ou passer par le prisme d’effet et d’ordinateur.
Joan Cambon formule son travail ainsi : « une musique basée sur des sonorités organiques et acoustiques, modifiées par des outils électroniques ». L’instrument devient aussi une matière sonore, malléable et sécable à souhait, remarquable à la fois par la sécheresse et la fluidité de ses sonorités. Le travail de Cambon ressemble autant à celui d’un plasticien, d’un sculpteur que celui d’un musicien pur. Le disque contient de parties ambiantes comme une plongée dans le liquide, Amniotique. Trous de mémoires évoque les moments les plus évanescents de la BO de, Birdy de, Peter Gabriel. Quant à la divagation créée par, Satellites, elle pourrait être une variation pour instruments à vent de, Steve Reich, lui même influencé par la musique d’Asie Centrale.
Sans Objet recèle aussi de vrais moments d’énergie mécanique. Derrière la froideur apparente, ces instrumentaux révèlent une chaleur presque insoupçonnée. Ainsi montée, la musique évoque des rythmiques ethniques où les rouages et les cliquetis semblent prendre corps dans une transe organique (Cadran, Manipulation)., Building, le meilleur morceau du disque et le plus proche d’Arca, dessine des paysages changeants entre électro minimale et post-rock contemporain. La sonorité ronde de la basse sur, La sirène noire fait apparaître aussi un musicien à l’émotion rentrée exprimant beaucoup avec peu, comme un bluesman introverti.
Etonnant Joan Cambon qui finalement parle beaucoup de lui sur un album écrit pour un autre ; , un vrai album d’auteur sensible et moderne. Une excellente surprise.
Denis Zorgniotti
Date de sortie : 14 février 2011
Label / Distributeur : Novel Sounds / Differ-ant