Vrai faux documentaire, Moi, Michel G, Milliardaire, Maître du monde n’en est pas moins une véritable fiction signée Stéphane Kazandjian, dont les faits d’arme jusqu’à présent n’avaient guère convaincu. Entre Sexy boys, une comédie adolescente gnangnan et Modern Love, une parabole romantique sur les rencontres, ruptures et réconciliations, rien de bien affriolant chez cet ancien étudiant en commerce, manifestant un goût certain pour les productions américaines allant jusqu’à affubler ses propres films de titres anglophones.
C.’est à présent au capitalisme financier que s’intéresse le sémillant réalisateur au travers du portrait de Michel Ganiant (le bien nommé), sujet d’un documentaire réalisé par Joseph Klein, un gauchiste revendiqué, peine à jouir de l’aveu de ses proches. Ce qui pourrait à priori n’être qu’une aimable pochade divertissante se révèle au fur et à mesure une jubilatoire déconstruction du système, dans lequel l’arroseur finit par être arrosé. Stéphane Kazandjian réussit même l’exploit en intercalant des petites séquences d’animation rigolotes de rendre compréhensibles les arcanes de transactions financières et boursières intercontinentales. Par le clin d’oeil du titre, on saisit très vite où se situe la référence majeure, mais tout au long du film sont insérés d’autres indices qui multiplient d’autant les sources d’inspirations. Ainsi comment ne pas voir dans Déborah, l’inénarrable épouse de Michel, un détonnant cocktail de Carla Bruni et d’Arielle Dombasle.
Sous des dehors anodins, voire anecdotiques, le réalisateur, dont le candide et néanmoins futé Joseph Klein constitue d’évidence le porte-voix, brosse au vitriol et à l’acide un état des lieux lucide et consternant. Outre la coupure manifeste qu’il souligne entre les richissimes dirigeants de groupes internationaux et le reste de la population, notamment celle qu’ils emploient et licencient comme bon leur chante, le film met en exergue le cynisme sidérant qui guide le comportement d’un monde de réseaux et de collusions, secrètes mais solides, qui lient les milieux d’affaires aux sphères politiques. Juste est-on ici un peu décontenancés par l’apparente imbécilité et l’affichage par trop voyant des intentions d’un milliardaire peu scrupuleux, autrement dit sans foi ni loi, prêt à tout pour arriver à ses fins. Nous avons peine à croire qu’un homme arrivé au pinacle ne montre pas plus de finesse et de subtilité, mais peut-être est-il en ce sens représentatif de l’époque terriblement vulgaire et ostentatoire à laquelle d’aucuns ont judicieusement collé le qualificatif de †˜bling-bling.’. Il n’empêche que le personnage pivot de Michel Ganiant, comme celui de son journaliste poursuivant et, plus généralement, de tous ceux croisés dans le film, y compris les syndicalistes barbus et chevelus, souffre d’une approche trop manichéenne, donc attendue et complaisante. Le film, dès lors, vaut plus par l’abattage du comédien François-Xavier Demaison et quelques situations particulièrement cocasses et croustillantes – la scène du yacht et du requin déclenche l’hilarité sans peine.
Mené à train d’enfer, en utilisant tous les ressorts de l’incrustation de textes ou d’images qui imprime du coup une dimension ludique pas désagréable, pas très sérieux mais incontestablement malin et documenté, Moi, Michel G, Milliardaire, Maître du monde pourrait être envisagé en quelque sorte comme la version fictionnelle du travail d’un Michaël Moore. On y perçoit la même énergie, un esprit rigolard et investigateur identique et un regard tout aussi acéré et critique qui choisit également l’immersion dans un univers hostile pour mieux en démonter les rouages et en analyser les ravages.
Patrick Braganti
Moi, Michel G, Milliardaire, Maître du monde
Comédie française de Stéphane Kazandjian
Durée : 1h27
Sortie : 27 Avril 2011
Avec François-Xavier Demaison, Laurent Lafitte, Guy Bedos,…
La bande-annonce :