Où va la nuit marque la deuxième collaboration entre le réalisateur brestois Martin Provost et la comédienne belge Yolande Moreau. La première, qui remonte à 2008, avait donné naissance à Séraphine, une oeuvre qui bénéficia d’un remarquable bouche-à -oreille débouchant sur le César du meilleur film français. Nous avons à présent quitté le début du vingtième siècle, la région parisienne et l’univers des peintres et collectionneurs d’art pour la Belgique contemporaine au sein d’un milieu paysan particulièrement sordide, où la misère sociale s’illustre par la violence conjugale. C.’est Rose Mayer, la femme battue et négligée par son rustre de mari, ivrogne et mutique, qui provoqua la mort d’une jeune fille dans le passé. Et c’est toujours Rose Mayer qui prémédite l’assassinat de son bourreau qu’elle maquille en accident. Puis, quittant sa triste campagne, elle part en ville retrouver son fils Thomas, homosexuel rejeté par son père.
La même idée d’accès à la liberté et à l’indépendance court à nouveau tout au long du film. Mais la démarche de Rose Mayer va être parsemée d’embûches au nombre desquelles un fils récalcitrant qui ira jusqu’à la dénoncer et un journaliste curieux. Malgré tout, le chemin de cette femme révoltée, ayant décidé de ne plus subir son triste quotidien et de prendre son destin en main, s’accomplit de l’obscurité et du secret – contenus dans la nuit du très beau titre – vers la lumière et la révélation – comme une possible rédemption. Néanmoins, Où va la nuit souffre d’invraisemblance dans l’évolution de son personnage principal et d’un manque d’approfondissement des autres rôles. La réaction de Thomas est peu compréhensible, et en tout cas sa justification n’apparaît pas. Le film vaut surtout pour l’interprétation sans faille de Yolande Moreau, qui gagne à quitter ses oripeaux coutumiers et ses compositions souvent caricaturales pour un personnage ambivalent, réservé mais déterminé. Le visage de la comédienne s’illumine et s’ouvre au fur et à mesure qu’elle s’affranchit de sa vie antérieure. Contemplant un tableau dans un musée, se baladant seule à Bruxelles, l’actrice au physique particulier, éloigné des canons de la beauté, resplendit, généreusement mise en valeur par la belle lumière d’Agnès Godard.
En dépit de la prestation convaincante de l’égérie de la troupe de Jérôme Deschamps et Macha Makeîeff, Où va la nuit reste en superficie et conduit une stratégie d’évitement des fêlures de ses personnages qui demeurent trop dans une certaine platitude psychologique et une caractérisation plutôt prévisible. La complicité finale d’une logeuse chez laquelle Rose a trouvé refuge (jouée par l’impeccable et inquiétante Edith Scob) emmène le film sur des chemins buissonniers et ouvrent sur l’espace de liberté et de promesses auxquelles l’héroîne n’a cessé d’aspirer.
Patrick Braganti
Où va la nuit
Drame français, belge de Martin Provost
Durée : 1h45
Sortie : 4 Mai 2011
Avec Yolande Moreau, Pierre Moure, Edith Scob, …
La bande-annonce :