Prés de 40 ans après »Nada » le cultissime roman de Jean-Patrick Manchette (adapté par la suite au cinéma, avec brio, par Claude Chabrol) le terrorisme revient comme thème central dans un nouveau polar signé d’un jeune et prometteur auteur : Pierre Brasseur.
En 2009, du côté de Nancy, il met en scène une poignée d’anarchistes écoeurés et révoltés par la crise financière et par un système capitaliste, injuste et totalitaire, dans lequel le monde évolue. Coupés de leur famille, vivant dans la solitude ou dans une certaine forme autarcie, ils se retrouvent autour d’une idée commune : foutre un on coup de pied au cul au système en buttant quelques pontes du Medef. Décision radicale mais inévitable pour Maude, la jeune photographe idéaliste, Guillaume, le guitariste punk et alcoolique, et Raoul, l’intello qui vit reclus dans sa barre HLM.
Ainsi, ces trois »inadaptés sociaux » ces trois exclus vont donc passer à l’action et mettre en place un plan qui va les conduire à éliminer quelques patrons de passage à Nancy, pour un congrès du Medef, et logeant dans l’hôtel où Guillaume travaille comme gardien de nuit.
Si, sur bien des plans, les choses ont changé depuis les années70/80 et l’époque de la bande à Baader, des Brigades rouges et d’Action directe, la situation économique ne s’est pas forcément améliorée pour une bonne partie de la planète, et les illusions entrevues il y a une trentaine d’années se sont évaporées avec la mondialisation et la crise économique. Pourtant, le terrorisme d’extrême gauche s’est éteint, laissant place à d’autres formes de révolte, moins radicales et plus populaires, mises en places par des organisations tout aussi déterminées mais qui ne font pas de l’assassinat et de l’enlèvement la clé de leur combat.
Avec ce roman, Pierre Brasseur remet donc au goût du jour l’idée d’action terroriste, en mélangeant fiction et réalité, et en s’appuyant sur des faits récents, notamment »l’affaire Julien Coupat » et du sabotage des lignes SNCF. En mêlant à sa fiction des personnages politiques existants, l’auteur renfonce l’impression de réalisme qui se dégage de ce roman, d’autant que les différents lieux où se déroule l’action (les rues Nancy, La Bresse) sont eux aussi bien réels et permettront aux gens du coin de retrouver avec plaisir des endroits qu’ils connaissent bien.
Sans aucune forme de jugement, de glorification, ni encore moins d’héroîsme, mais avec un certain humour et un talent d’écriture indéniable, Pierre Brasseur nous offre un roman saisissant, haletant et totalement captivant, dans lequel Il dresse un bilan peu glorieux de notre société ultralibérale, de notre système économique vacillant. Il propose une réflexion sur ce que peut être l’engagement politique aujourd’hui en le présentant sous sa forme la plus radicale et la plus désespérée qui soit.
On ressort de ce livre un peu sonné et plein d’amertume, après avoir accompagné ce petit groupe dans sa folle équipée meurtrière, mais aussi satisfait d’avoir découvert un auteur bourré de talent, doté d’une écriture sèche et distanciée, sans pathos ni lyrisme. Un auteur qui parvient tout au long du livre à donner à son récit une profondeur et une noirceur appréciable, avec des portraits de paumés très touchants.
Benoit Richard
Je suis un terroriste, de Pierre Brasseur
Editions : Après la lune
Collection Lunes blafardes n,°18
220 pages, 10 €¬
Parution février 2011