l’Enfant (2005) aurait grandi et Rosetta (2002) aurait un petit frère prénommé Cyril, placé par son père cuisinier dans un foyer d’enfants et dont l’idée obsessionnelle est de retrouver son père, assisté par une coiffeuse généreuse et solidaire, qui lui offre sa protection et son foyer sans raisons. Les frères Dardenne, puisque Le Gamin au vélo est leur nouvelle production, renouent avec le cercle familial comme le territoire idéal de l’opposition entre parents et enfants, les premiers irresponsables et lâches au point de fuir leurs responsabilités, les seconds, victimes en manque d’amour et de bienveillance. Dans le monde âpre et dur d’une société en perdition qu’ils dépeignent à travers leur oeuvre, les réalisateurs belges ont acquis la réputation de cinéastes réalistes, refusant la psychologisation des personnages ainsi que pathos et misérabilisme. C.’est un cinéma du mouvement, où la course, la fuite et le conflit physique avec l’autre sont omniprésents. Qu.’il soit sur sa selle ou en chasse pour récupérer son vélo disparu, Cyril ne tient pas en place, habité par l’urgence de retrouver un père évaporé dans la nature et animé par une rage qu’il soupçonne à peine et canalise comme il peut. Peut-être parce qu’ils vieillissent et s’assagissent, les réalisateurs de La Promesse produisent dorénavant un cinéma moins éprouvant (caméra portée, images tremblantes et saccadées). Les pauses prennent à présent le relais, et pour la première fois, les atmosphères grises et glauques cèdent la place à une lumière solaire, qui baigne la tendresse et l’apaisement que le film finit par faire naître, comme un répit envisageable.
À l’aune des allées et venues incessantes de Cyril, des respirations essoufflées des personnages, Le Gamin au vélo se déroule sur un tempo soutenu, haletant et ménage une tension permanente à propos de l’enchaînement des événements, en parvenant à démasquer les prévisions scénaristiques. Si l’apitoiement n’est jamais de mise, tant dans le comportement des personnages que dans le regard que portent sur eux les deux frères, l’empathie et l’extrême respect qu’ils éprouvent transparaissent tout au long du film. La rudesse et le dépouillement, devenus les marques de fabrique des cinéastes belges, renvoient toujours plus au travail de Pialat.
Outre la luminosité estivale, le film se singularise aussi par l’introduction de musique. Soyons rassurés, : ces nouveautés formelles, qui prouvent le renouvellement et le déplacement même infime des références, ne remettent nullement en question les thématiques fondamentales des Dardenne, qui continuent à interroger l’importance et la place fondatrice du lien, biologique ou fraternel.
La simplicité narrative et la fluidité de la mise en scène ne nuisent ici en aucun cas à la force du film. C.’est la signature des très grands artistes de créer sans pathos ni fioritures une émotion qui confine à la pureté et la grâce.
Patrick Braganti
Le Gamin au vélo
Comédie dramatique française, belge de Jean-Pierre et Luc Dardenne
Durée : 1h27
Sortie : 18 Mai 2011
Avec Thomas Doret, Cécile de France, Jérémie Rénier,…
La bande-annonce :