Il est toujours difficile de chroniquer un artiste qu’on adore., A fortiori quand son dernier album est jugé, excellent., Complaisant, moi ? Non, objectif !
Cela fait vingt ans que je suis Idaho et son songwriter Jeff Martin, ;, depuis ce jour béni, de 1993 où j’entendais un peu par hasard, Year after Year, que j’apprenais par la même occasion ce qu’était le slowcore et qu’une guitare pouvait distiller une émotion, inversement proportionnelle au nombre de ses cordes (4 en l’occurrence et non 6). Dire que j’entretiens depuis une relation privilégiée avec Idaho serait quelque peu exagéré. J’ai vu Jeff Martin sur scène plusieurs fois (dont une où il était tout seul) mais je n’ai discuté avec lui. Pourtant, il y a un lien particulier entre nous, je précise que je ne suis pas mythomane. Mais, mon égarement, vient précisément de la musique même de l’Américain et de ce double sentiment d’intimité et d’émotion que Jeff Martin arrive à véhiculer dans ces chansons. j’ai l’impression souvent de le connaître, d’avoir partagé des beaux moments de mélancolie, d’avoir grandi avec lui.
Entre Year after Year, ou Three Sheets To The Wind (1996), encore gorgées de guitares et The Lone Gunman (2005) voyant un Martin principalement assis derrière un piano électrique, Idaho aura petit à petit épuré sa musique pour ne plus garder que sa plus pure expression, une huile essentielle d’émotion et de musique n’ayant besoin d’aucun artifice pour opérer. Depuis son dernier album, Martin avait un peu laissé de côté Idaho mais pas la musique, composant pour des BOs de films. You were a Dick marque donc un retour avec un album qui au final résume bien tout l’art délicat de son créateur pour accoucher de chansons bouleversantes. Ce nouvel opus voit le retour des guitares (en égale proportion avec le piano électrique), ce qui nous vaut quelques morceaux enlevés comme Martin n’en avait pas fait depuis 10 ans (The space between, up to the hill). Idaho est de nouveau totalement sadcore avec une guitare bourrée de feedback.
The, Lone Gunman était donc un vrai moment contemplatif, dépouillé mais aussi bouleversant., Sans faire marche arrière, Martin préfère essayer de trouver le point d’équilibre de sa musique. Avec la possibilité que plus de monde le suive dans cette musique infiniment personnelle. Le, Californien reste fidèle à son credo , : seul à la destinée de son groupe, Martin ne garde que l’essentiel dans sa musique, une épure toute relative où chaque son, chaque effet, chaque accord trouvent sa place dans une puzzle précis (reminder, someone to relate me, flames). Mais il se permet aussi quelques ornementations, un sitar en retrait sur , You Were a Dick ; une étonnante rythmique soul qui ferait presque bouger , (Weight it down,, classe), trompette et tuba sur , le presque jovial, Up to the Hill., Il utilise la voix d’Eleni Mandell comme choriste sur certains titres, profitant du timbre de la jeune femme pour ajouter de la douceur à sa voix déchirée.
Ce qui est impressionnant avec Jeff Martin, c’est sa faculté à bouleverser sur deux accords et instaurer une musique à la beauté immaculée pour finalement passer à rapidement à autre chose : 2’30-3′ pour sortir un petit chef d’oeuvre de musique intimiste. Pas plus, là où d’autres se seraient attardés, lui ne fait que passer et pense déjà à la suite.
Il est vraiment fort ce Jeff et avec un disque comme You Were a Dick, je suis encore près pour en prendre pour 20 ans. Minimum.
Denis Zorgniotti
Date de sortie : 27 juin 2011
Label : Talitres / Differ-ant