Dans la longue filmographie d’André Téchiné, le lieu revêt toujours un aspect primordial. En effet, qu’il filme dans son Sud Ouest natal, à Paris ou Lyon, ou encore de l’autre côté de la Méditerranée, deux éléments reviennent en permanence, : l’eau sous toutes ses formes (mer, lac, fleuve ou étang) et la nature captée le long des saisons. C.’est aussi une récurrence chez l’auteur des Roseaux sauvages de diviser en plusieurs parties ses longs-métrages, marquant ainsi le passage du temps tout au long des changements climatiques. À cet égard, Venise pourrait bien constituer la quintessence de la géographie chère au coeur du cinéaste. C.’est une évidence d’énoncer l’omniprésence aquatique, mais ce truisme ne doit pas faire oublier que la Cité des Doges est entourée d’une campagne luxuriante. En trouvant l’endroit idéal, André Téchiné a probablement régénéré son inspiration que nous avions, pour notre part, trouvée en baisse pour La Fille du RER, son précédent opus (2009). En effet, dans le déploiement romanesque et l’enchevêtrement de destins qui font coexister légèreté et gravité – avec un net avantage pour la seconde – le réalisateur tarnais semble synthétiser l’ensemble de ses thématiques. Il est ici question de rapports parents enfants, de filiation, d’amour et de confiance. Comme d’habitude, Téchiné travaille la complexité de ses personnages, révélant les failles et les faiblesses de chacun. l’écrivain à succès venu se réfugier dans la campagne vénitienne peine à gérer la relation avec sa fille, qui préfère prendre la fuite, et sabote sciemment celle qu’il entretient avec la gérante de l’agence immobilière. l’introduction de personnages secondaires multiplie par la même occasion les ramifications et les interactions d’une histoire se rapprochant de plus en plus du tragique et de l’irréversible. Les films du réalisateur des Témoins n’ont jamais été angéliques tant ils mettent à nu les blessures et les désillusions des protagonistes, mais peut-être sentons-nous poindre une noirceur supplémentaire. Adapté du roman de Philippe Djian, Impardonnables, en dépit de la lumière solaire qui le baigne, est au final une oeuvre crépusculaire, où la mort est présente ainsi que les échecs des rapports humains délités par la méfiance et les malentendus. Loin des visions de cartes postales, André Téchiné arpente les coins secrets et inconnus de la ville et de la lagune en en faisant la singularité du film. André Dussolier est parfait – cela finit par devenir un pléonasme – alors que Carole Bouquet trouve là son plus beau rôle depuis longtemps. Les amateurs de romanesque y trouveront largement leur compte et malgré l’âge qui vient, le cinéaste continue à croire en la jeunesse (en découvrant toujours de nouveaux acteurs à qui il donne leur chance transformée souvent en rampe de lancement). Au-delà des errements des révoltes et des faux pas, les jeunes gens chez Téchiné se voient toujours offrir un nouveau départ. Preuve que l’optimisme n’a pas encore totalement disparu.
Patrick Braganti
Impardonnables
Drame français d’André Téchiné
Sortie : 17 août 2011
Durée : 1h51
Avec André Dussolier, Carole Bouquet, Mélanie Thierry,…
La bande-annonce :