A l’heure du dixième anniversaire des événements du 11 Septembre, Paul Auster peint dans Sunset Park le portrait d’une Amérique bouleversée par la crise et la récession. Fidèle à son style mélancolique et dépouillé, le prodigue écrivain new yorkais nous semble bien à la hauteur de sa réputation en cette rentrée littéraire.
« Sunset Park » retrace en effet le parcours chaotique de Miles Heller, un jeune homme qui s’est exclu de sa propre existence suite à la mort accidentelle de son demi-frère Bobby, dont il s’est toujours senti responsable. Rongé par la culpabilité, Miles a fui sa famille, stoppé ses études universitaires et plaqué son sport favori, le base-ball. Après plus de sept ans d’errance aux quatre coins des Etats-Unis, il se fixe en Floride où il devient débarrasseur d’objets dans les maisons abandonnées par les victimes des subprimes. Mais dans ce monde de ruine et de misère implacable, il est une lumière : Pilar, jeune fille cubaine dont il est éperdument amoureux.
C.’est à ce point du récit que Paul Auster embarque son lecteur dans une structure narrative aussi subtile que complexe. Sunset Park se décline alors en chapitres adoptant tour à tour le point de vue des principaux personnages du roman. Miles, contraint de fuir la Floride, retourne à New York et trouve refuge dans une petite baraque délabrée de Brooklyn que squatte son vieil ami Bing Nathan en compagnie d’Ellen et Alice. Dès lors, Miles se retrouve géographiquement plus proche de ses parents et envisage peu à peu de recoller les morceaux de sa vie.
Le génie de Paul Auster consiste ainsi à construire son roman sur cette pluralité de voix entremêlée de flash-back et autres digressions. Au détour des souvenirs et des anecdotes évoqués, se dessine le véritable sens du propos d’Auster : comment garder confiance en l’avenir dans ce monde aliénant et vide de sens ? Comment porter la flamme de la vie au lieu de s’enfoncer dans les profondeurs abyssales de son propre néant ? Peut-on réparer sa vie ou surmonter les pires chocs émotionnels ?
Réflexion sur le hasard, les destins brisés et la contingence des événements, »Sunset Park » est une oeuvre poignante qui sait aussi nous offrir de purs moments de tendresse et de félicité. Un Paul Auster décidément vibrant et bien inspiré.
François Salmeron
Sunset Park, roman de Paul Auster
Traduit de l’américain par Pierre Furlan
Editions Actes Sud
317 pages, 22,80€¬
Sortie : 8 septembre 2011