À peine quelques mois après son singulier et scintillant Wit.’s End, Cass McCombs, le songwriter américain le plus insaisissable de ces dernières années a déjà remis le couvert. Pour qui a a succombé au charme des albums du musicien de Baltimore, voilà une nouvelle alléchante qui, de plus, prouve la bonne santé musicale de l’énergumène dont les disques s’avèrent de plus en plus écoutés et donc attendus.
Au moment de se pencher sur ce Humor Risk, bien se rappeler de l’effet étrange de la musique d’apparence anodine de Cass McCombs, ceci dit pour éviter de rester sur une première impression de déception genre »bâclé/moins bien » suite à un Wit.’s End quasi parfait. Moins épuré, moins médiéval et énigmatique que son auguste prédécesseur, ce nouvel opus semble revenir vers des chemins folk-pop plus fréquentés (guitare électrifiée en avant, basse, claviers) plus énergiques, d’apparence plus convenus, quasiment le tout venant sonore de toute pop. De quoi se sentir presque trahi.
Oui, mais comme sans s’apercevoir, on y revient plus tard, et encore une fois, et une autre ensuite… Comme légèrement envahi par la ritournelle du single The Same Thing et son entêtant gimmick pop au clavier. Ou par l’effet hypnotique de la lancinante To Every Man His Chimera. Ou charmé par l’aspect alanguie de la douce The Living World, ou l’atmosphère lo-fi désincarnée de l’intrigante Maria de fin. Et, plus généralement, par de réguliers bruits d’ambiance qui parsèment ça et là , comme des annotions griffonnées trouvées en marge d’un journal intime, ce disque à l’allure bancale mais singulier.
Le tout toujours porté par le timbre élégant de sa voix chaude et marqué du sceau d’une certaine bizarrerie qui transcende souvent le matériau classique de base, la longuette Mystery Mail mise à part. Une chose logique quand on sait ce que ce trentenaire insaisissable avouait il y a quelques mois dans un entretien pour le magazine Magic :
« En fait, je préfère les albums complètement incohérents, les fourre-tout avec des chansons politiques, des chansons personnelles, ainsi de suite. Il n’y a aucune continuité esthétique dans ce que je fais, aucun style. J.’essaie simplement de faire en sorte que l’auditeur me sente, entende les mots distinctement et les interprète comme bon lui semble ».
Ainsi, ce Humor Risk, même inégal, serait à aborder comme un disque-miroir posé face à Wit’s End, aussi éclectique et changeant que ce dernier était posé et impénétrable. Et le montre comme un individu libre, s’inscrivant à la fois dans une certaine tradition de l’artiste folk prolixe (de Bob Dylan à Tim Hardin jusqu’à Elliott Smith et Bonnie Prince Billy) mais surtout confirme l’aspect inclassable d’un électron libre dont le talent atypique semble être celui de transmuter en objets non identifiés des éléments pourtant fort connus.
Dans un registre où Conor Oberst de Bright Eyes a fini par lasser, Cass McCombs fait mouche, lui qui n’a jamais cherché à courir après les modes. Un fait évident quand on revisite son parcours discographique, qui de, Catacombs à A en passant par Dropping The Wit, est parcouru d’une vraie pertinence intemporelle.
Ce qui n’empêche pas son auteur d’être singulièrement de son temps, imprévisible, changeant et fidèle en même temps. De quoi rendre gracieux et inattendu le quotidien musical par les vertus d’un discret alchimiste gentiment touché par un certain ange du bizarre et à l’univers décidément très addictif.
Franck Rousselot
Cass McCombs – Humor Risk
Label : Domino Records
Sortie :, 7 novembre 2011
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